Où en est-on avec la guéguerre ayant opposé fin juillet début août dernier, Camtel et Mtn, deux opérateurs de la téléphonie qui se livraient un conflit d’intérêt autour de la fibre optique à Douala ?
Plus de deux mois après, les mesures conservatoires prises par l’Agence de Régulation des Télécommunications (ART), qui a des compétences dans la résolution des différends entre les opérateurs du secteur de télécommunication, restent en vigueur. L’on disait à l’époque que ces mesures permettaient juste au régulateur d’avoir une claire vision dans ce conflit afin de porter un juste jugement. Davantage, l’ART annonçait l’organisation imminente d’une large concertation entre les différents acteurs de son secteur d’activité. Promesse qui reste toujours non tenue. Les opérateurs des télécommunications très attentives à l’évolution de cette affaire qui interpelle aussi les consommateurs attendent aussi le rapport de l’équipe technique de l’ART. Cette dernière, descendue sur le terrain au lendemain des travaux engagés dans la capitale économique par Mtn qui avait au préalable obtenue une autorisation de la communauté urbaine de Douala, devait permettre au régulateur de se prononcer sur la conformité desdits travaux à la réglementation. Toutes ces questions devraient en fin de compte permettre à l’ART de se prononcer sur le monopole dont se prévaut jusqu’ici Camtel, l’opérateur public, sur l’exploitation de la fibre optique. Retour sur un conflit qui est loin d’être terminé.
L’ART pris en flagrant délit de parti pris
Le rôle de gendarme dévolue à l’ART peut-il s’exercer sans que cette structure publique manifeste chaque fois un penchant dans la défense des intérêts des entreprises relevant du portefeuille de l’Etat. Ceux qui ont suivi avec attention le conflit d’intérêt ayant opposé Camtel à Mtn sont encore à se demander si le régulateur dont le rôle se résume en le contrôle et le suivi des activités des exploitants et des opérateurs du secteur des télécommunications n’a pas violé le principe d’égalité dans le traitement des différents opérateurs. Ces derniers qui rappellent à qui veulent l’entendre, que dans l’exercice de ses missions l’ART est tenu de garantir ‘’une concurrence saine et loyale dans le secteur des télécommunications’’, n’en sont pas du tout convaincus.
Des sanctions contre Mtn
Leur doute n’est pas sans fondement. Que ce soit Mtn qui est restée silencieuse, que d’autres acteurs du secteur, la publication des sanctions de l’ART contre Mtn au plus fort de cette bataille participait d’une stratégie d’intimidation d’une des parties en conflit. La coïncidence ne peut s’expliquer autrement pour de nombreux observateurs. Tous n’ont pas compris que c’est au moment où Mtn était obligé d’arrêter les travaux pour lesquels des fonds considérables ont été consentis pour la réalisation d’un important, investissement, que ‘’l’ART a choisi de lui assener le terrible coup des pénalités à payer s’élevant à plusieurs centaines de millions de Fcfa’’. A l’ART, cette accusation ne semble émouvoir personne. Pour toute réponse, ses responsables nous ont renvoyé à la lecture du communiqué qu’ils ont publiés, lequel disent-ils est assez motivé.
D’autre part, ils trouvent cette accusation d’autant plus non fondée que par la suite, Orange-Cameroun, un autre opérateur du secteur des télécommunications a été sanctionné alors qu’il n’était pas partie-prenante du conflit sur le contrôle de la fibre optique. « Pourrait-on encore ici parler de sanctions dissuasives, ‘’se demande un cadre de l’ART en service à l’antenne de Douala ? Ce dernier qui justifie le bon droit de l’entreprise qui l’emploie rappelle que : ‘’la fibre optique, une infrastructure moderne a été obtenue au nom de l’Etat du Cameroun sur fonds Camtel’’.
L’opérateur historique de l’Etat qu’est Camtel aurait bénéficié de la part du gouvernement, un précieux coup de pouce à travers l’exclusivité sur les liaisons de transmissions interne avec la fibre optique. Au plus fort du conflit entre Camtel et Mtn, l’Art s’est fort de réitérer cette exclusivité dans la correspondance adressée le 28 juillet 2009 à Mtn. Bello Bouba Maïgari, le ministre d’Etat alors en charge des postes et télécommunications précisait au cours d’un entretien accordé la presse à ce sujet, parlant de Camtel : ‘’qu’on lui a donné une compétence à titre provisoire pour être le fournisseur exclusif des capacités pour les liaisons interurbaines aux autres opérateurs’’.
Camtel face à la concurrence
C’est fort d’un tel avantage que les responsables de Camtel exigent que MTN paie dans ses services pour bénéficier de la fibre optique. Seulement dans le cas d’espèce, l’on devrait prendre en compte le fait que l’entreprise d’origine sud-africaine avait engagé ses travaux pour densifier son réseau urbain régulièrement perturbé. A Camtel où l’on se comptait dans un monopole qui dessert les intérêts des consommateurs, l’on oublie cette autre précision de l’ex ministre des postes et télécommunications : ‘’le gouvernement avait donné cette exclusivité à titre provisoire, je dis bien à titre provisoire. Le gouvernement n’a jamais renoncé à son option de libéralisation. Et parce que c’est grâce à la libre concurrence que le développement des entreprises peut se faire de manière équitable et vigoureuse pour aboutir à une baisse significative des tarifs’’.
La fibre optique est aujourd’hui ce qu’il y a de meilleur comme support de transport, aussi bien de la voix, des données que de l’image. C’est aux consommateurs qu’une telle installation doit davantage bénéficier, car elle permet la baisse substantielle des coûts d’appel et l’amélioration de la qualité des communications. L’ART et Camtel ne l’ignorent pas. La tutelle de ces organismes fait bien de rappeler à l’Art d’être plus conscients de ses responsabilités et à Camtel cette troublante réalité à laquelle elle fera bientôt face : ‘’Camtel ne doit plus se contenter de la situation de rentrer, c’est-à-dire la possibilité qu’elle a actuellement d’être fournisseur exclusif de capacités. Camtel doit se comporter comme un opérateur de services comme tous les autres. Elle doit se préparer à la occurrence’’.
Fair-play : Quand Mtn dépanne Camtel
L’urgence de la situation le commandait. Et n’ayant pas de solution alternative, la société d’Etat s’est finalement résolue à solliciter l’aide de Mtn, le temps de la remise en état de son câble à fibre optique survenue près de Kribi en fin de matinée du 12 octobre dernier. Mtn utilisant des liaisons par satellites, ses installations ont été épargnées par l’interruption de la connexion internet dont plusieurs entreprises et administrations de la capitale et d’autres villes ont souffert.
Pour régler une partie de son problème, Camtel a saisi dans les heures ayant suivi l’accident, Mtn par la voie officielle. Et dès mardi 13 octobre, Mtn a cédé à Camtel un 1/6 de la capacité dont l’opérateur étatique avait besoin, jusqu’au rétablissement de la communication par ses équipes techniques spécialement déployées pour cette mission. En raison de la complexité, cette tâche exigeait pour des mesures de sécurité à respecter au moins une étape de préparation d’au moins 48 heures.
Des accidents du genre qui peuvent subvenir à n’importe quel moment, rendent nécessaire le renforcement du partenariat stratégique devant exister pour l’intérêt commun des opérateurs du secteur des télécommunications. Et le régulateur qui devrait y veiller, a mis sur pied, un cadre qui permet à un opérateur sinistré de solliciter la cession à titre provisoire de quelques faisceaux. Il s’agit d’un service pour lequel l’accès s’obtient en déboursant des fonds.
Correspondance pour Camer.be de : Guy Alain Tjomb [readon1 url=”http://www.camer.be”]Source : camer.be[/readon1]