Cette mesure devait permettre l’arrivée de nouveaux opérateurs sur le marché, ce qui aurait théoriquement conduit à une réduction des prix et à une amélioration de la qualité du service. Mais le Camerounais moyen ne peut toujours pas se permettre de naviguer librement sur l’internet ou de faire un appel interurbain sur sa ligne terrestre ou son téléphone mobile.
À l’époque des réformes réalisées entre 2002 et 2008, 123 licences d’exploitation de réseau ont été octroyées, dont 53 à des réseaux publics ouverts, 70 à des réseaux privés indépendants et une cinquantaine à des fournisseurs de services internet, mais cette multitude de licences et d’opérateurs n’a pas conduit aux réductions de prix tant attendues par la population.
Ouvrir la porte aux opérateurs informels
Le réseau de téléphone filaire sur lequel CAMTEL, l’opérateur historique national, exerce un monopole, n’assure qu’une faible couverture nationale. Un rapport de PROTÉGÉ QV, une ONG camerounaise travaillant dans le domaine des TIC, révèle que « moins de 2% des Camerounais ont un téléphone fixe en raison du manque de lignes (175 000), du mauvais état des infrastructures, de la lourdeur administrative et des coûts élevés d’installation (100 000 FCFA, soit environ 200 $ US pour les lignes commerciales et 40 000 FCFA (80 $ US) pour les lignes résidentielles) ». Même le CT Phone, un téléphone novateur qui utilise la technologie CMDA – qui permet de faire des appels simultanés sur une seule connexion et revient donc à moins cher – n’a permis de faire que des progrès négligeables et il faut encore améliorer l’infrastructure de ce réseau qui couvre 48 régions.
La téléphonie mobile est de mauvaise qualité. Les réseaux sont souvent bruyants et saturés, en particulier dans les grandes villes comme Douala et Yaoundé, et les coûts de communication sont très élevés. Un appel d’un opérateur concessionnaire comme MTN ou Orange vers un autre réseau peut coûter jusqu’à 40 cents US la minute. Ces coûts élevés et la mauvaise qualité des services ont ouvert la voie aux opérateurs illégaux qui demandent la moitié du prix des réseaux officiels. Mais ils ont beau être illégaux, ces fournisseurs pirates contribuent largement à faire baisser le prix de l’accès internet à un niveau accessible pour le Camerounais moyen. Dans un pays où 48% de la population vit avec moins de un dollar US par jour, la communication est un luxe que beaucoup ne peuvent se permettre.
La situation de l’internet n’est pas différente. CAMTEL a commencé à offrir l’accès internet en 1998. Bien que l’accès large bande se soit amélioré depuis 2005 avec l’utilisation de la fibre optique et le raccordement au câble SAT-3/WASC, le développement du secteur a été ralenti par l’état pitoyable de l’infrastructure du réseau de téléphonie fixe négligé pendant des années, ainsi que par la lenteur du déploiement de la fibre optique. Par conséquent, les cybercafés sont la solution la plus abordable pour la plupart des gens. Une heure d’internet coûte entre 60 cents et 2 $ US, avec une moyenne d’environ 1 $ US de l’heure dans les régions rurales les plus pauvres.
Étant donné que CAMTEL et l’ART limitent le nombre de concurrents en imposant des droits de licence très élevés (qui se répercutent sur les consommateurs), les opérateurs informels continuent d’offrir une solution abordable aux besoins de communication de base des Camerounais. Mais il y a des inconvénients – ces opérateurs utilisent les VSAT pour offrir l’accès internet et exposent ainsi les utilisateurs à un équipement dont la qualité ou la fonctionnalité n’a pas été contrôlée. Cet équipement non réglementé peut tomber en panne, sans oublier qu’un tel fonctionnement illégal entraîne également des pertes importantes de revenus fiscaux pour le gouvernement ainsi que des pertes en droits de licence.
Les fournisseurs officiels offrent les services classiques – email, SMS, etc. – pour un coût d’abonnement réseau d’environ 90 $ US et des frais d’environ 50 $ US par mois, mais pour une connexion très instable d’une qualité douteuse. Même avec l’offre d’un plus grand nombre de services abordables, ces coûts restent élevés pour les Camerounais.
Un Fonds spécial de télécommunication, approvisionné par les opérateurs officiels et plusieurs autres sources, a été créé en 2002 afin de mobiliser des fonds pour améliorer l’accès universel, mais sans trop de succès jusqu’à présent. Il n’est pas toujours facile de demander à des opérateurs de télécoms en difficulté de faire ainsi des paiements volontaires. Pourtant les opérateurs ne sont pas les seuls en cause – l’organisme de régulation est tout aussi responsable de la situation actuelle des télécommunications et est incapable de s’acquitter convenablement de sa fonction de régulation.
Les lacunes de l’organisme de régulation
Il semble que l’ART, gérée par le ministère des Télécommunications MINPOSTEL, n’a pas les moyens (ni l’autorité, ni l’indépendance ni les ressources) pour jouer pleinement son rôle de régulateur – un rôle qui devrait comprendre le contrôle des coûts des services. La principale fonction de l’ART est la gestion de la concurrence, la surveillance de la production et de l’offre de services de qualité et la protection des consommateurs – des rôles qui justifient son autonomie décisionnelle et opérationnelle – , mais PROTÉGÉ QV met en doute l’indépendance de l’ART envers le gouvernement et CAMTEL. Le directeur de l’ART est en effet nommé par le président de la République et la majorité des directeurs et des cadres sont des représentants du gouvernement.
« Peut-elle réellement traiter de façon indépendante et équitable les problèmes qui surgissent entre opérateurs, surtout lorsque l’opérateur public, CAMTEL, sous la même supervision, est en cause ? » demande PROTÉGÉ QV.
D’autre part, les lois et les règlements qui régissent le secteur sèment la confusion quant aux rôles des différents acteurs. La loi donne le monopole à CAMTEL sur le développement des infrastructures de télécommunication et donne à MINPOSTEL la responsabilité d’étudier et de mettre en place, ou de faire mettre en place, l’équipement et les infrastructures de télécommunication. Les deux fonctions se retrouvent donc sous la supervision d’un seul acteur.
De plus, la connectivité et l’accès internet transfrontaliers ne sont pas mentionnés – le commerce et les transactions en ligne ne sont donc pas réglementés, une situation passablement problématique quand ont sait le rôle essentiel de l’internet dans le développement de l’économie partout dans le monde. Selon PROTÉGÉ QV, « ce vide juridique place l’autorité chargée du secteur dans une position difficile, en particulier face à la forte demande de licences pour fournir des services comme l’internet mobile, la voix et la télévision sur IP et le Wimax ». L’ART se retrouve ainsi devant un vide juridique et les réformes, dont l’intention était de promouvoir l’accès universel et donc le développement économique et social du pays, demeurent sans effet.
[readon1 url=”http://www.afrik.com”]Source : afrik.com[/readon1]