Le bras de fer s’annonce tendu entre le gouvernement algérien et le géant égyptien de téléphonie mobile. Les propriétaires d’Orascom Télécom (OT) sont en pleine négociation avec l’opérateur sud-africain MTN pour une cession de leurs filiales dans plusieurs pays africains. N’appréciant guère de n’avoir pas été consulté, l’Etat algérien tente de mettre son veto à la vente de sa filiale locale, Orascom Télécom Algérie (OTA), dont il détient 51% des parts. Lundi 3 mai, le ministre de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication, Hamid Bessalah, a haussé le ton contre l’opérateur égyptien : « ce qui est demandé et exigé, c’est que les propriétaires d’Orascom Télécom Algérie se rapprochent des autorités algériennes en premier lieu, pour [une bonne mise en œuvre] des droits de préemption et des dispositions du cahier des charges qui prévoient que tout changement de propriétaire en matière de licence doit s’effectuer avec l’autorisation de l’ARPT (Agence de Régulation de la Poste et des Télécommunication, ndlr) et des pouvoirs publics », avait-t-il déclaré, cité par lejourdalgerie.com.
Mieux, le gouvernement algérien a fait savoir qu’il tenait de racheter la totalité des parts de la filiale algérienne du groupe. « L’Etat algérien veut acheter OTA et dans sa totalité », a encore affirmé Hamid Bessalah, assurant que celui-ci a « les moyens et se donnera les moyens pour l’acquisition de la totalité des actions en plus de son droit de préemption, qui lui donne accès aux 51% comme prévu par la loi algérienne ». Certains y voient une réponse implicite du gouvernement au PDG d’Orascom Telecom Holding, Naguib Sawiris, qui, quelques jours auparavant, avait déposé une demande d’audience auprès du chef du gouvernement algérien Ahmed Ouyahia pour tenter de débloquer la situation.
Empêcher la transaction
Si l’Algérie venait à acquérir OTA (dont le nom commercial est Djezzy), ce serait la première fois qu’un Etat rachèterait un opérateur de téléphonie privé implanté sur son marché. Toutefois, nombre d’experts jugent un tel scénario improbable : selon eux, les arguments algériens, basés sur les droits de préemption, risquent de ne pas peser lourd devant une cour d’arbitrage international. « Si OTH n’obtient pas le prix qu’il souhaite, il pourrait porter l’affaire devant une cour d’arbitrage ou le CIRDI (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements) pour obtenir réparation. L’Etat algérien pourrait alors se trouver dans une situation difficile », analyse-t-on sur TSA Algérie. « L’Algérie dispose d’un seul moyen d’empêcher la transaction : la licence attribuée à Djezzy expire en 2016. Les autorités algérienne peuvent ne pas la renouveler », renchérit Moustapha Abdel-Aziz, analyste financier chez Boltone, dans les colonnes d’Al-Ahram Hebdo. Jean-Marie Huet, Sénior Manager au sein du Cabinet BearingPoint, estime, pour sa part, que la question n’est pas de savoir qui va perdre et qui va gagner. « Un tel contentieux peut durer très longtemps. Et cela risque de compliquer le deal entre Orascom et NTM. L’Algérie est un grand pays et Djezzy est l’une des plus grosses filiales du groupe. Cette situation risque de changer la valorisation d’Orascom », explique-t-il à Afrik.com.
Orascom Telecom traverse depuis quelques mois une période difficile en Algérie. Après de nombreux recours restés sans suite, la firme a dû débourser, le 11 avril, 113 millions de dollars au fisc algérien au titre de redressement fiscal, sur un montant global estimé à 600 millions de dollars par l’administration fiscale algérienne pour l’exercice 2005-2007. La popularité du groupe a aussi et surtout fait les frais de la crise entre l’Algérie et l’Egypte en raison des incidents survenus en marge des matchs de qualification pour la Coupe du Monde. En novembre 2009, des locaux de Djezzy avaient été saccagées par les supporters en colère, dans plusieurs villes du pays. L’image de l’Etat algérien risque, elle aussi, de pâtir de cette situation de blocage. « L’Algérie a tout à fait le droit de défendre ses intérêts, mais, comme dans tout pays, l’Etat algérien a besoin que des entreprises étrangères viennent investir chez lui. Il faut que les Algériens soient vigilants par rapport aux signaux qu’ils envoient aux étrangers, montrer qu’ils sont capables de protéger leurs investissements », indique Jean-Marie Huet.
Aux dernières nouvelles, le gouvernement algérien aurait, selon El-Watan, exigé d’Orascom Télécom Algérie la publication d’un communiqué annonçant la rupture officielle de ses négociations pour la cession de Djezzy au sud-africain MTN. Affaire à suivre.
[readon1 url=”http://www.afrik.com”]Source :afrik.com[/readon1]