C’est l’affaire du moment aux Etats-Unis : elle oppose Netflix, le spécialiste de la vidéo à la demande, à Comcast, le premier câblo-opérateur. Le succès du premier agace le second, qui estime que non seulement Netflix le concurrence mais qu’en plus il encombre ses réseaux de communication sans payer un juste prix. Initialement simple loueur de DVD par voie postale, Netflix est passé à la mi-novembre à la vitesse supérieure en lançant un service de diffusion de films sur Internet. Pour 7,99 dollars par mois, l’internaute peut visionner en « streaming » films ou séries en illimité. Le succès est au rendez-vous, puisque Netflix revendique déjà 16 millions d’abonnés à ses services, physiques et en ligne.
Dévoreuse de bande passante
Pour l’aider à diffuser ses programmes sur le Web, Netflix a signé un accord avec un opérateur télécoms possédant des serveurs et un réseau de fibre optique longue distance, Level 3. Problème : le service de Netflix connaît un succès énorme. En conséquence, les fournisseurs d’accès à Internet ont du mal à acheminer les flux vidéo, gros consommateurs de bande passante, jusqu’à leurs clients.
C’est le câblo-opérateur Comcast, fort de 17 millions d’abonnés à l’Internet à haut débit, qui a donné de la voix la semaine dernière. Le groupe a exigé que Level 3 paie pour acheminer le trafic jusque chez les abonnés de Comcast. Pour le câblo-opérateur, il s’agit simplement d’une « négociation commerciale ». Mais Level 3 -et son client Netflix -ne l’entendent pas de cette oreille. Pour eux, Comcast remet en cause le principe de « neutralité de l’Internet », qui veut que les flux sur le réseau ne soient pas discriminés. Ils en ont donc appelé au régulateur américain des télécoms. Netflix et Level 3 redoutent que Comcast veuille favoriser sa propre plate-forme vidéo Xfinity en lui assurant une meilleure qualité de service. En effet, le câblo-opérateur a perdu 622.000 clients à son service de vidéo au cours des neuf premiers mois de l’année, en raison notamment d’offres semblables à celle de Netflix.
L’affaire est emblématique des disputes à venir entre opérateurs télécoms et fournisseurs de contenus. « De telles affaires vont se multiplier », estime Ryan Koontz, du cabinet Inflection Point Ressearch. L’augmentation du trafic sur Internet est telle que le dernier kilomètre du réseau ressemble à un entonnoir où les paquets de données forment un embouteillage. Pour les opérateurs télécoms, les fournisseurs de contenus du type Netflix doivent payer pour moderniser le réseau. Ce que récusent ces derniers. Ce n’est qu’une question de mois avant qu’un tel problème se pose en Europe. Que feront les Orange, SFR ou Free si YouTube se met à vendre de la vidéo à la demande ?
« Un changement dans l’écosystème d’Internet est nécessaire », estime Orange dans un document transmis à la Commission européenne. Pour Free, « le statu quo dans lequel les opérateurs vont investir sans nécessairement recouvrer tous leurs coûts n’est pas tenable dans la durée et conduira sur une dégradation de la qualité de service globale au détriment des consommateurs ». Mais d’autres mutations sont possibles. Ryan Koontz s’attend ainsi à ce que les opérateurs télécoms rachètent des entreprises comme Level 3 ou Akamai pour acheminer plus efficacement les flux vidéo. Histoire aussi de profiter des sommes payées par Netflix.
G. de C., Les Echos