Selon Reporters sans frontières, les autorités ougandaises ont tenté, le 14 avril 2011, de bloquer l’accès aux réseaux sociaux, alors que les manifestants du mouvement “Walk to Work” dénonçaient, dans plusieurs villes du pays, l’augmentation du prix de la nourriture et de l’essence. Dans une lettre datée du 14 avril, le directeur délégué de la Commission ougandaise des communications (UCC), Quinto Ojok, avait ordonné à dix entreprises de télécommunications du pays de “bloquer l’utilisation de Facebook et de Twitter pour une durée de 24 heures à partir de maintenant, 14 avril 2011 à 15h30″. Cette injonction se basait sur “une requête des agences de sécurité selon laquelle il est nécessaire de minimiser l’utilisation de médias qui pourraient encourager la violence faite au public en raison de la situation actuelle liée à une manifestation “Walk to Work”.”
Godfrey Mutabazi, directeur exécutif de la UCC, a déclaré, le 19 avril 2011, à l’agence de presse Reuters, être à nouveau prêt à ordonner le blocage des deux réseaux sociaux s’ils étaient utilisés pour fomenter des troubles. La veille, des milliers de manifestants étaient descendus dans la rue pour protester contre l’arrestation du Dr. Kizza Besigye, leader de l’opposition, et d’autres manifestants, accusés d’incitation à la violence.
Contacté par téléphone le 20 avril 2011 par Reporters sans frontières, Godfrey Mutabazi a expliqué ne pas avoir l’intention de couper l’accès à Facebook et à Twitter sauf s’il s’agissait de protéger le public. Selon lui, ses déclarations doivent être comprises comme un appel à la vigilance adressé aux Ougandais afin qu'”ils n’utilisent pas les réseaux sociaux pour des appels à la haine ou à la violence”. “La liberté de vivre est plus importante que la liberté de s’exprimer”, a-t-il précisé.
L’UCC, en tant que régulateur, ne peut pas imposer de blocage de sites sans l’assistance des fournisseurs d’accès à Internet. La lettre en date du 14 avril s’adressait donc à Broadband (U), Foris Telecom Uganda et Infocom, avec en copie Orange Uganda, Uganda Telecom, MTN Uganda, Warid Telecom, Airtel Uganda, Africaonline Uganda et ZAfsat Communications. Reporters sans frontières a contacté certaines de ces entreprises afin de leur signaler son opposition à une coupure unilatérale et abusive des réseaux sociaux.
Le blocage réclamé par les autorités le 14 avril n’avait en réalité pas été suivi par tous les fournisseurs d’accès et entreprises de télécommunications, certaines ayant demandé une clarification aux autorités, d’autres ayant reçu la lettre de l’UCC trop tard, d’autres encore ayant tout simplement refusé d’appliquer cette mesure. MTN Uganda, l’un des principaux fournisseurs d’accès du pays, a annoncé sur Twitter le 15 avril qu’il n’appliquerait pas le blocage : “@MTNUGANDACARE : @StoneAtwine Notre position est claire. Nous ne bloquons pas Facebook ou Twitter. Merci.” Des perturbations auraient toutefois affecté certains utilisateurs pendant quelques heures. Différentes informations circulent sur les FAI concernés.
Des ONG locales ont accusé les forces de sécurité de recourir à la violence lors de la dispersion des manifestants, des accusations niées par le gouvernement. Le 19 avril dernier, l’Association des journalistes d’Afrique de l’Est (EAJA) a dénoncé les restrictions imposées par les autorités sur les journalistes, qui se sont vu refuser l’accès à des hôpitaux et à certains lieux de manifestations. Une dizaine de journalistes ont été blessés et leur matériel endommagé alors qu’ils couvraient les rassemblements, qui ont débuté le 11 avril 2011. Un porte-parole de l’armée s’est ensuite excusé publiquement.
Selon plusieurs sources concordantes, une directive de l’UCC interdirait aux chaînes de télévision et aux stations de radio de couvrir en direct le mouvement “Walk to Work”. “Les autorités ougandaises ne doivent pas confondre l’événement lui-même et la couverture de l’événement. Les médias qui couvrent les manifestations ne prennent pas part au mouvement de protestation, ils remplissent leur mission d’information. A ce titre, ils ne doivent pas être empêchés de travailler et leurs journalistes ne doivent pas être inquiétés”, a conclu Reporters sans frontières, qui remarque le tour de vis donné par le gouvernement de Kampala sur la liberté d’expression.