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alqarraCréée en 2010, Al Qarra TV est une chaîne d’information dédiée à l’Afrique. Les créateurs de la chaîne entendent apporter une vision différente du traitement de l’information en Afrique. Déjà, ne pas se concentrer sur une seule partie de l’Afrique mais couvrir l’ensemble du continent. Ensuite, donner une information correcte sans la détourner et sans amalgame. Puis, diffuser des images d’une Afrique où tout ne va pas forcément mal. Najib Gouiaa, directeur général de la chaîne, répond à Afrik.com. Interview.

Tournée entièrement vers l’Afrique, Al Qarra TV est la nouvelle « chaîne de référence » de l’information. Ou du moins, c’est l’objectif que se sont fixé les membres fondateurs de la chaîne. Et ils sont trois à s’être lancés dans ce projet : Pierre Fauque, journaliste français, réalisateur et producteur de documentaires, est le président d’Al Qarra TV. Najib Gouiaa, journaliste reporter d’images tunisien et producteur de documentaires, est le vice-président directeur général. Et Selven Najdu, directeur général d’un groupe audiovisuel privé composé d’une télévision et de deux radios (RTA Télévision Analamanga), occupe le poste de vice-président d’Al Qarra TV. Pour Afrik.com, M. Gouiaa raconte la naissance d’Al Qarra Tv et nous livre sa vision du traitement de l’information en Afrique.

Afrik.com : Racontez-nous la naissance d’Al Qarra TV ?

Najib Gouiaa : Après des années de « news », j’ai arrêté d’en faire au moment où Joseph Kabila est arrivé au pouvoir. C’était ma dernière mission en tant que journaliste reporter d’images. Ensuite, j’ai monté une structure de production à paris où j’ai commencé à faire du documentaire. A l’époque du démarrage d’Al-Jazeera, j’ai connu le premier directeur de la chaîne à Londres. Il m’a contacté et j’ai réalisé des coproductions avec France 3 et Al-Jazeera. Puis, quand je suis revenu en Afrique, je suis parti à la découverte de l’Afrique subsaharienne et australe. Après ces deux expériences, la tentation d’être diffuseur nous gagne… De plus le paysage audiovisuel est en pleine mutation. Et monter une chaîne de télévision est un énorme chantier. Cela demande beaucoup de moyens. Mais nous avons voulu remplir un vide. C’était évident. Il n’y avait pas de chaîne continentale qui couvre l’ensemble de l’actualité africaine sans séparer automatiquement l’Afrique du Nord et l’Afrique Noire. C’est ce que nous avons créé.

Afrik.com : Pourtant, les relations entre Afrique du Nord et Afrique subsaharienne se sont davantage renforcées aujourd’hui…

Najib Gouiaa : Bien sûr. C’est l’une des raisons qui m’ont poussé à parler de ce projet à un éditeur. Mais au-delà des échanges internes, l’Afrique est entièrement dans la mondialisation. L’actualité, les bouleversements que nous venons de vivre, ont marqué le réel besoin d’un média qui porterait sur cette partie du monde avec une approche professionnelle. Clairement, on se positionne comme fournisseur d’informations et il est évident qu’il y a un besoin énorme à ce niveau-là. L’Afrique s’informe auprès de médias européens. Mais les chaînes françaises, par exemple, ont leur propre public. Et le traitement de l’information ne correspondra pas forcément aux attente des Africains. Les approches sont différentes, surtout que l’actualité africaine passe en second en Europe. Avec mon ami Mauricien Selven Najdu et le producteur Français Pierre Fauque, on a voulu combler ce manque. De plus, chacun de nous a eu son expérience du continent. L’idée était donc de réfléchir ensemble sur la manière dont on allait s’y prendre et surtout par quel moyen technique.

Afrik.com : Vous avez donc commencé cette aventure à trois. Et aujourd’hui, à combien s’élève l’effectif de votre entreprise ?

Najib Gouiaa : Il y à 32 personnes dans les locaux à paris. En Afrique, nous collaborons avec des agences de presse et des indépendants.

Afrik.com : Mettre au point une chaîne de télévision est un projet ambitieux mais risqué. Comment les investisseurs ont-ils accueilli votre projet ?

Najib Gouiaa : On a mis toutes les chances de notre côté pour y parvenir. On a travaillé sur les moyens techniques pour réussir une chaîne “low cost”. On a fait le tour des financiers avec notre business plan. On nous a fait confiance. Il est difficile de convaincre si l’on n’avance pas réellement sur le projet. Il fallait expérimenter le concept. Nous avons mis en place une diffusion test, non sans risques financiers, mais nous avons bénéficié de l’accompagnement de prestataires, d’agences de « news », et beaucoup de partenaires nous ont suivis. De plus, de par mon expérience, je connais la moitié des prestataires sur Paris, du coup les portes s’ouvrent plus facilement. Lors du lancement d’Al Qarra TV, nous avons eu droit à plusieurs mois de diffusion à titre gracieux sur Arabsat. Le fait qu’on soit du métier nous a beaucoup aidés. Désormais, l’heure est à l’expérimentation du positionnement.

« Le public d’Al Jazeera est un public politisé »

Afrik.com : A quelle date avez-vous diffusé vos programmes pour la première fois ?

Najib Gouiaa : En 2010. On a communiqué un seul signal sur Arabsat en alternant les trois langues de la chaîne, c’est à dire l’arabe, le français et l’anglais. Le démarrage s’est bien passé, alors on a pu déménager dans de nouveaux locaux et séparer chaque signal.

Afrik.com : Vous disposez donc de canaux de diffusion pour chaque langue ?

Najib Gouiaa : Aujourd’hui, nos images sont diffusées sur deux signaux, en arabe et en français. Nous devrions lancer Al Qarra TV en anglais d’ici à mars ou avril. Nous envisageons de distribuer nos programmes via les bouquets ADSL car pour le moment nous ne sommes que sur Astra.

Afrik.com : En clair, Al Qarra TV c’est combien de téléspectateurs en moyenne ? Et quel type de public suit vos programmes ?

Najib Gouiaa : Je ne peux pas vous donner un chiffre exact. C’est beaucoup trop tôt. Mais ce n’est pas le grand public qui suit nos programmes, c’est surtout un public d’acteurs économiques et politiques. Ils s’intéressent aux faits politiques, économiques… Ce sont des cadres en général.

Afrik.com : Vous couvrez réellement tous les pays africains ? Sans exception ?

Najib Gouiaa : Tout est en fonction de l’actualité. Quand on décide des sujets a traiter, c’est selon ce qui se passe sur le continent. On reçoit énormément de sollicitations du Maroc et d’Algérie car ils voient en Al Qarra TV une alternative à Al Jazeera qui a beaucoup déçu le public du Maghreb, surtout pendant les révolutions.

Afrik.com : Que reprochez-vous à la chaîne Al Jazeera ?

Najib Gouiaa : Déjà, il y a une grande différence entre les moyens d’Al Qarra et d’Al Jazeera. Mais nous, nous avons une prétention : celle de réussir a fidéliser un public de téléspectateurs soucieux de s’informer réellement. On ne va pas récupérer le public d’Al Jazeera car il s’agit d’un public politisé, qui à l’habitude de suivre les informations d’Al Jazeera. C’est surtout le public déçu de la chaîne que l’on va pouvoir récupérer. J’ai collaboré avec Al Jazeera, elle a réussi à gagner son public parce que les régimes arabes verrouillaient la presse. Elle a bénéficié d’un effet de vitrine. Mai elle a perdu son public. Estompé. Le traitement de l’information qu’elle a fait en Egypte ou en Libye a énormément déçu. Elle a sans aucun doute perdu de son audience. En Afrique, le public a ses exigences. Il recherche une information différente, traitée avec sérieux et objectivité.

« Notre but n’est pas d’enjoliver l’Afrique, mais de la montrer de manière différente »

Afrik.com : D’où proviennent vos images ?

Najib Gouiaa : Nos images proviennent à 80% d’agences telles que Associated Press, Reuters et l’AFP et d’indépendants. On les oriente vers les sujets qui nous intéressent et ils nous livrent les reportages. Ensuite, chaque rédaction retravaille les vidéos (traitement, montage, etc) en fonction de sa ligne éditoriale. Beaucoup négligent la forme alors qu’il est primordial de produire des images vendables. C’est l’un des points qui a desservi l’image de l’Afrique.

Afrik.com : Et vous pensez pouvoir remédier à cela ?

Najib Gouiaa : Al Qarra rapporte l’information telle quelle se présente réellement en Afrique, sans s’attarder sur les images chocs par exemple. Question de dignité humaine. En Europe, on a été formé à ne recevoir que ce genre d’images d’Afrique. Notre but n’est pas d’enjoliver l’Afrique, mais de la montrer de manière différente. Mettre en avant ce qui fonctionne car l’Afrique est de nouveau très convoitée en raison de ses potentialités. Le tout sans idéalisme mais avec une exigence éditoriale tout de même.

Afrik.com : Êtes-vous confiant pour la suite ?

Najib Gouiaa : Le fait de lancer les deux chaînes en français et en arabe a permis aux téléspectateurs de suivre les programmes dans la langue de leur choix. La version prochaine en anglais complètera ce choix. Les bouleversements dans la région nous ont confortés dans ce projet. Toutefois, en Afrique subsaharienne le téléspectateur a encore besoin d’être équipé en paraboles. Notre but est de fidéliser nos téléspectateurs, véritable capital, de fournir une information et de respecter son esprit. Vous savez, on est conscient que tout ne se fait pas sans difficultés. Journaliste reporter d’images est mon métier de toujours. Il y a tellement d’amalgames. Il faut aller à l’information et savoir poser les vraies questions.

Source: afrik.com

 

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