« Afin d’attribuer cette licence, le ministre des Postes et Télécommunications demande que soit réalisé un audit pour mieux cerner les besoins de Aes-Sonel en termes de capacités », indique le communiqué. Cette attribution mettrait fin à l’exclusivité accordée à Camtel en la matière. L’installation de cette infrastructure est une infraction à la réglementation en vigueur, relèvent des cadres au ministère des Postes et Télécommunications. Notamment, l’arrêté accordant à Camtel l’exclusivité d’une telle opération. Un arrêté qui crée d’ailleurs une polémique auprès des opérateurs des télécommunications.
En effet, l’arrêté 005/MPT du 18 mai 2001 accorde à Camtel, l’exclusivité du déploiement et de l’installation des liaisons interurbaines à fibre optique. Bien que cet arrêté soit arrivé à expiration, il reste en vigueur. Une convention de concession de deux ans avait été octroyée à Camtel en 2003, puis renouvelée en 2005. Depuis 2007, plus rien. La concession de Camtel n’a plus été renouvelée. Actuellement, c’est le statu quo, indique-t-on à l’Art et au Minpostel. En août 2009, d’ailleurs, l’Art avait exigé de Mtn Cameroon l’arrêt immédiat de l’installation d’une liaison interurbaine de 81 km de fibre optique d’une capacité de 36 brins à Douala. L’opérateur qui voulait exploiter en sa faveur ce flou réglementaire s’était plié à cette injonction, pour ne pas payer de lourdes amendes. Quelques années plus tôt, l’agence relevait, “afin de lever toute ambiguïté”, que ”l’arrêté 005/MPT du 18 mai 2001 relatif à l’exclusivité de Camtel sur les liaisons interurbaines restera en vigueur quatre ans après la signature d’une convention de concession définitive entre Camtel et l’Etat”.
Transporteur
A Aes-Sonel, l’on affirme que l’installation de la fibre optique est destinée à une utilisation interne. « Cette infrastructure a été installée essentiellement pour améliorer les performances de notre système d’information de plus en plus lourd en termes de données, en mettant à profit notre réseau électrique qui sert de support. Tout est aérien », confie un cadre d’Aes-Sonel. Mais, l’ambition du groupe aurait très vite changée. Car de sources concordantes, l’on n’installe pas 700 Km de fibre optique uniquement pour sa communication interne.
Selon des informations recueillies au Minpostel, Aes a l’ambition de devenir un transporteur de fibre optique. Ses installations sont faites sur des poteaux électriques qui transportent le câble à fibre optique à partir du courant électrique, et ce, entre les villes. Une ambition que le Minpostel dénonce, arguant que le transport des télécoms relève du domaine de la souveraineté et que c’est presque toujours l’Etat qui gère le transport des télécommunications, d’où la concession attribuée à Camtel.
D’après la récente loi de 2010 sur les communications électroniques, l’établissement et l’exploitation des réseaux de transport des communications électroniques relève du domaine de la concession, donc à approuver par le président de la République. Or, Aes Sonel a déjà installé et établi 700 Km de fibre optique sans avoir de concession. « Nous leur avons demandé de se focaliser davantage sur l’énergie électrique et de reverser le surplus de leurs installations en fibre optique à l’Etat », rapporte une source au Minpostel. Elle précise qu’Aes Sonel ne peut être transporteur, mais peut-être fournisseur d’accès internet (société qui offre la connexion internet).
Négociations
Du côté de l’Art, l’on reconnaît qu’Aes-Sonel est dans l’illégalité. « Pour l’instant, Aes Sonel n’est pas autorisée à installer la fibre optique au Cameroun. Mais, la promulgation des textes d’application de la loi de 2010 sur les communications électroniques (pas encore promulgués, ndlr) pourrait l’autoriser et rendre légales ses installations. Pour l’instant, ce réseau de fibre optique installé par Aes-Sonel n’est pas encore exploité », indique un cadre de l’Art.
Des tractations sont actuellement en cours. Le Minpostel a plusieurs fois convoqué le Dg d’Aes-Sonel, Jean-David Bilé, pour des discussions à ce sujet. « Pour le moment, nous poursuivons des séances de travail avec le Minpostel et le schéma adopté au final sera sûrement dans l’intérêt général de nos communautés et conforme à la réglementation », espère notre interlocuteur à Aes-Sonel.
Et le groupe américain n’entend pas céder. Au contraire, il met tout en œuvre pour parvenir à ses ambitions. « En vue d’approfondir le benchmarking, une délégation du Minpostel s’est d’ailleurs rendue au Brésil, où notre groupe a développé ce type d’infrastructures, suivant un modèle que nous proposons et qui est en discussion », relève-t-on à Aes-Sonel. Si à Aes-Sonel c’est bien possible d’installer la fibre optique et de discuter bien après avec les autorités publiques de l’utilisation qui en sera faite, l’on se demande bien pourquoi cela est interdit à d’autres opérateurs de téléphonie. Ce qui est par ailleurs non conforme à la réglementation.
Dans tous les cas, l’entrée d’Aes-Sonel dans le secteur des télécommunications pourrait bousculer bien des habitudes, car si l’on considère que la fibre optique d’Aes-Sonel est transmise via le courant électrique et que de nombreux Camerounais (30% des 20 millions d’habitants) ont accès à l’énergie, la concurrence sera bien rude…
Source: ticmag.net