Après le Gsm, la Côte d’Ivoire s’apprête à franchir une nouvelle étape de son immersion dans le monde dynamique des nouvelles technologies de l’information et de la communication avec la migration des opérateurs de téléphone mobile vers la 3G. Malheureusement depuis quelques semaines, un épais nuage de confusion semble se développer autour de l’opération sur fond de pot-de-vin, de conflit d’intérêt, d’accusations qui ont même touché le premier responsable du département des Tic, le ministre Koné Bruno Nabagné. Aussi, est-il apparu nécessaire de jeter un coup de projecteur sur la manière dont est organisée cette révolution vers la 3G. Sur quelle base et quels critères les opérateurs sont-ils évalués pour l’attribution des autorisations ? Certains opérateurs ont-ils réellement bénéficié d’un coup de pouce providentiel du ministre de La Poste et des Tic ? A quel stade sommes-nous aujourd’hui dans le processus de délivrance des licences 3G ? Des sociétés comme Moov ont-elles effectivement obtenu ce césame comme semble l’indiquer certains articles de presse ces temps-ci ? La téléphonie de 3e génération ou 3G est en fait une nouvelle technologie de très haut débit qui offre une meilleure qualité de service aux usagers d’internet en terme de performance et de rapidité dans la transmission des données numériques. De sorte que les multiples fonctions des téléphones mobiles adaptés au haut débit peuvent être d’une grande utilité aussi bien pour les usagers du téléphone, en général, que pour les professionnels, en particulier. Concrètement, la 3G offre une performance de l’ordre 20 fois supérieure par rapport au débit basique, c’est-à-dire au moins 2 mégabits, ce qui autorise le développement de nombreuses applications. A travers l’ouverture à la 3G, l’Etat ivoirien veut non seulement se procurer des ressources budgétaires, mais aussi permettre aux opérateurs privés nationaux d’élargir le périmètre de leur business et repositionner notre pays en terme de maturité numérique. Mais qui peut-être titulaire d’une licence 3G et à quelles conditions ?
Le cadre légal
C’est le décret N° 2001-496 du 29 décembre 2011 signé par le président de la République, Alassane Ouattara, qui décline les modalités d’attribution des autorisations d’utilisation de fréquences radio électriques pour l’établissement et l’exploitation de réseaux de télécommunication mobiles de troisième génération, 3G. Un texte très clair, une procédure d’appel d’offres limpide qui tranche net en la matière avec ce qui se faisait pour la sélection d’opérateurs de téléphonie, en vue de fourniture de service aux populations. Un choix voulu par le chef de l’Etat, un adepte de la transparence et de la bonne gouvernance. Ainsi donc, cette consultation, qui avait pour but de désigner 4 opérateurs, était exclusivement réservée aux opérateurs privés déjà en activité en Côte d’Ivoire. Mais l’Etat ajoute une condition importante, non négociable. Toute entreprise de téléphonie désireuse de soumissionner à la présence offre devrait être à jour de ses engagements vis-à-vis de l’Etat ivoirien. En clair, la 3G n’est pas accessible aux sociétés qui ont des dettes vis-à-vis de l’Etat. Lorsque la société satisfait à cette exigence, la procédure pour obtenir la licence 3G peut alors démarrer. Elle se décline en trois étapes. La première étape relève de l’Atci, structure de gestion administrative placée sous la tutelle du ministre de La Poste et des Ntic. L’Atci réceptionne les offres des opérateurs concernés et intéressés par l’appel d’offres sous le contrôle et l’autorité du ministre de tutelle. Ainsi, sur les 6 opérateurs en activité, 5 ont retiré auprès de l’Atci des dossiers de candidatures. Mais en fin de compte, seulement trois (3) ont pu ou voulu déposer une offre recevable. La seconde étape de la procédure est relative à la présélection. Elle consiste en fait à vérifier si les contraintes du cahier des charges notamment l’obligation de couverture de la population par un déploiement rapide, sont respectées dans l’offre reçue des candidats. Il est bon de signaler ici que les 3 candidats dont les offres ont été déclarées recevables, à savoir Orange, Mtn et Moov, ont fait état par écrit de ce que les contraintes de rythme de déploiement du réseau fixe par le cahier des charges (95% de la population sur 4 ans) seraient excessives. En dépit de ces contraintes signalées, Orange et Mtn ont, cependant, déposé une offre. Moov ayant plutôt choisi de présenter un rythme de déploiement plus lent que ce qui était demandé. La troisième étape de la procédure consiste en la sélection définitive des candidats. Celle-ci relève de la responsabilité exclusive du gouvernement, et dont les modalités de mise en œuvre appartiennent conjointement aux ministres des Ntic et de l’Economie et des Finances. Le passage à cette étape suppose que le candidat s’est acquitté du règlement de la somme de 6 milliards fixée par le décret.
Dossier Moov : l’Atci a-t-elle outrepassé ses droits ?
A la seconde étape, l’Atci a cru bon de rejeter l’offre réputée insuffisante du 3e candidat, c’est-à-dire Moov. Sans le respect des précautions d’usage convenues expressément avec le ministre de tutelle. Et notamment en s’abstenant de tenir préalablement le ministre informé de la décision de rejet de la candidature de Moov. Selon nos sources, en effet, le Dg de l’Atci aurait été approché par un proche collaborateur du ministre Koné Bruno à l’effet de voir dans quelle mesure les contraintes de déploiement pouvaient être aménagées, étant donné que tous les opérateurs s’en plaignent. Le Dg de l’Atci aurait fait savoir qu’il était malade. Il désigne un de ses directeurs pour discuter de la question avec le ministère. Les discussions ne sont pas achevées et le ministère n’est pas informé quand l’on apprend que le dossier de Moov a été rejeté par l’Atci. Le Dg de l’Atci a donc agi sans s’en référer au ministre Koné Bruno sous l’autorité et le contrôle de qui il travaille. Comment une décision aussi importante a-t-elle été prise sans passer un petit coup de fil au ministre de tutelle? Y avait-il un compte à régler? avec qui? C’est alors que Moov, qui estime n’avoir pas disposé de certaines clarifications dans la finalisation deson offre, engage un recours contre la décision de l’Atci auprès du ministre des Ntic, le 22 mars dernier. Il faut indiquer que cette procédure est parfaitement légale en droit administratif. Elle permet à toute personne, qui conteste une décision émanant d’une autorité administrative, d’exercer un recours préalable auprès de l’autorité hiérarchiquement supérieure à l’autorité qui a pris ladite décision. Et le supérieur hiérarchique peut soit annuler soit amender cette décision de l’autorité inférieure. Ce qui évite le recours devant les tribunaux.
Koné Bruno n’a pas repêché Dossongui son oncle
Dans le recours gracieux adressé au ministre des Ntic, la société Moov “attire l’attention du ministre Koné Bruno sur le non respect par l’Atci de certaines dispositions pertinentes du règlement de la procédure d’appel d’offres pour l’attribution de la licence 3G”. Dans cette correspondance Moov apporte surtout des corrections complètes à l’insuffisance à lui reprochée. De sorte que la correction ainsi apportée plaçait désormais l’offre de Moov au même niveau que celles de Orange et de Mtn. C’est donc au regard de tout ceci que le ministre Koné Bruno a ordonné la présélection de Moov afin, d’une part, de ne pas léser les abonnés de cette société par rapport à la 3G, mais aussi de permettre à l’Etat de mobiliser des ressources budgétaires. Décision du reste conforme aux objectifs de l’appel d’offres. Car en fait, l’Etat avait 4 licences 3G à attribuer et escomptait 24 milliards F. Cfa. Finalement, il n’a eu que 18 milliards. Au demeurant, M. Koné Bruno n’avait aucun intérêt personnel ou familial à attribuer la licence 3G à Moov puisque M. Koné Dossongui, dont il est fait mention, n’a plus aucun centime dans le capital de Moov détenu à 99,97% par Etisalat qui est un groupe arabe. En tout état de cause, il convient de relever qu’à ce jour, aucune des sociétés de téléphonie mobile opérant en Côte d’Ivoire n’est encore bénéficiaire de la licence 3G. Orange, Mtn et Moov ont certes été présélectionnées, mais aucune d’entre elles n’a encore obtenu de licence définitive. Seulement, Orange Côte d’Ivoire, après s’être acquittée de sa contre partie financière auprès du Trésor Public, a sollicité et obtenu l’autorisation de faire des tests pour son réseau de déploiement en cours.