Carlos Slim est-il venu en Europe pour réaliser deux opérations financières, avant de repartir ? Cette incursion sonne comme un avertissement lancé à l’espagnol Telefonica, son principal rival en Amérique latine. E-Plus pourrait aussi servir de monnaie d’échange contre les participations de l’espagnol outre-Atlantique. Mais, apparemment, America Movil cherche également à croître sur le Vieux Continent. Dans son offre sur KPN, le groupe annonce qu’il s’agit de son « premier investissement significatif en Europe ». Depuis 2006, il a déjà détenu une participation dans Portugal Telecom (revendue depuis) et, avec l’américain ATT, a tenté en vain de prendre 12 % de Telecom Italia. L’homme d’affaires qui a bâti son empire mexicain pendant la crise des années 1970-1980 en rachetant des actifs bradés, guette le bon moment pour poser le pied en Europe.
Et ce moment est peut-être venu. Stéphane Richard, le PDG d’Orange, a évoqué mardi lors de son assemblée générale une « consolidation inéluctable » : « C’est peut-être le début d’une recomposition du paysage européen », a-t-il prophétisé, rappelant que l’Europe comptait grosso modo 160 opérateurs télécoms là où la Chine n’en a que 3 et les Etats-Unis à peine plus. Aujourd’hui, les géants des pays émergents comme America Movil, mais aussi China Mobile ou Vimpelcom en Russie ont les poches pleines grâce au boom du mobile, alors que les marges de leurs concurrents européens sont maintenues sous pression par Bruxelles.
L’appétit de Carlos Slim est d’autant plus grand que le revenu moyen par abonné est élevé en Europe, et qu’il ne lui reste plus beaucoup de conquêtes à mener en Amérique latine. Au Mexique, il détient déjà 70 % de part de marché, et il y a une carte SIM par habitant. L’Europe est certes en panne de croissance, mais cela ne peut durer, explique un dirigeant télécoms : « Il y aura nécessairement un assouplissement réglementaire lorsque le retard de déploiement des réseaux se fera trop criant. » C’est donc le moment d’investir. D’autant que les prix sont relativement bas. « En Bourse, les opérateurs télécoms européens sont valorisés 8,4 fois les bénéfices, alors qu’en dix ans ils sont rarement passés en dessous de 10 fois les bénéfices », précise Jean-Michel Salvador, chez Alphavalue. L’analyste est cependant « dubitatif » sur une éventuelle recomposition venue du Sud, car les opérateurs européens coûtent encore cher en valeur absolue. La consolidation ne se fera pas en un jour.
Solveig Godeluck
Source: lesechos.fr