L’emploi reste la préoccupation numéro un d’Arnaud Montebourg. Or, SFR devrait annoncer un plan social en juillet, et les sous-traitants de Bouygues Telecom et de France Télécom sont déjà touchés par les mesures d’économies. Au cours de ses entretiens, Arnaud Montebourg aurait également insisté pour que les opérateurs achètent des box ou des équipements de réseau made in France auprès de Technicolor ou d’Alcatel-Lucent, deux entreprises en difficulté. Il a aussi évoqué l’investissement dans le très haut débit. Le déploiement de la fibre optique se traîne et menace d’avoir des répercussions en série sur les sous-traitants.
De même, sans fixer de calendrier, le ministre a expliqué aux dirigeants d’Orange qu’il ne serait pas hostile à une fusion avec Deutsche Telekom, afin de constituer un numéro un mondial – l’ « EADS des télécoms ». Arnaud Montebourg veut des champions nationaux plus robustes, car il redoute que l’arrivée de Free Mobile, conjuguée à la crise économique, ne se traduise par des destructions d’emplois dans toute la filière, après avoir fait plonger les profits. Selon plusieurs opérateurs, il ne serait pas hostile à une remontée des prix dans le mobile. Il est loin le temps où le député de Saône-et-Loire saluait l’irruption du quatrième opérateur mobile d’un « tweet » remarqué : « Xavier Niel vient de faire avec son nouveau forfait illimité plus pour le pouvoir d’achat des Français que Nicolas Sarkozy en cinq ans », avait-il applaudi.
L’une des pistes évoquées pour recréer de l’emploi dans les centres d’appels en France consisterait à introduire des critères « sociaux » de qualité dans le cahier des charges des licences que l’Etat attribue aux opérateurs pour exploiter les fréquences. Un candidat écologiste à la députation, Gérard Chausset, a interpellé Arnaud Montebourg sur ce thème en mai. Dans son courrier, il demande « que les emplois délocalisés répondent à des normes sociales calquées sur les normes françaises existantes telles les conventions collectives ». « Le développement de l’emploi fait partie des missions de l’Arcep, le régulateur des télécoms », rappelle Gérard Chausset, tout en précisant qu’une heure travaillée coûte 14 euros dans un centre d’appels marocain, contre près de 30 euros en France.
Difficultés de mise en oeuvre
L’idée n’est pas complètement neuve : en 2004, Jean-Louis Borloo, puis, en 2010, Laurent Wauquiez ont tenté d’inciter les opérateurs à relocaliser l’emploi en France. Sans succès. L’économie des pays concernés, Maroc et Tunisie en tête, dépend largement de ce secteur. Les affaiblir est politiquement difficile. D’ailleurs, les opérateurs ne croient pas qu’il soit possible de faire revenir les emplois déjà partis. « C’est trop tard. Quand vous vous préparez à une baisse de 15 à 20 % de votre chiffre d’affaires, vous devez optimiser vos coûts. Or le service client est l’un des plus gros postes de dépenses », souligne l’un des intéressés. Et puis les consommateurs demandent un service sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, qui est difficile à organiser depuis la France. Il faudrait de plus que les critères sociaux s’appliquent à des licences déjà attribuées pour que la mesure ait quelque intérêt. Arnaud Montebourg, qui doit rencontrer l’Arcep cette semaine, va devoir être très persuasif.
Guillaume de Calignon et Solveig Godeluck
Source: lesechos.fr