Sénégal : la licence globale de TIGO va-t-elle changer le rapport de force ?
C’est avec beaucoup de satisfaction que la plus part des analystes et profanes ont accueilli l’annonce de la signature d’un accord soldant le vieux contentieux entre l’Etat du Sénégal et la filiale sénégalaise du groupe Milicom Cellular international (MIC). Cet accord permet à Tigo d’avoir une licence globale comme Expresso Senegal et Sonatel. Pour cela, la filiale sénégalaise de Millicom s’est engagée à s’acquitter de la rondelette somme de 53 milliards de Fcfa.
Inutile de vous dire que cet accord est une bonne nouvelle pour le secteur sénégalais des télécommunications car il devrait, normalement, améliorer le niveau de concurrence sur ce marché. Mais à quels changements pouvons nous nous attendre suite à cette nouvelle licence ?
Jusqu’à présent, n’ayant qu’une licence 2G (GSM, GPRS, EDGE), Tigo ne se limitait qu’à faire de la voix et des services à valeurs ajoutées. Sa communication sur l’internet mobile était très limitée car ne pouvant insister sur les termes « 3G » et « haut débit » car son internet mobile se faisait au mieux sur la technologie EDGE. Son absence sur les technologies 3G ne permettait pas à TIGO de lancer plusieurs services novateurs tels que la télévision sur mobile. Cette autorisation de déployer un réseau 3G, 3,5G, et 3,75G devrait permettre à TIGO de lutter à armes égales sur ce marché très concurrentiel qu’est la téléphonie mobile.
Après avoir plusieurs années durant fait de la terminaison de trafic internationale sans en avoir le droit, Tigo entre désormais de manière légale sur ce segment de marché très juteux que constitue le trafic international. Jusqu’à présent, tout appel international destiné à un abonné mobile ou fixe au Sénégal devait obligatoirement passer par la Sonatel ou par Expresso (les seuls qui détenaient une licence globale). Tigo a très longtemps, au vu et au su de tout le monde, outrepasser ses prérogatives en terminant du trafic international via des accès VSAT, et ceci sans une quelconque intervention du régulateur de télécoms. Il faut aussi dire que les deux autres opérateurs n’ont que très mollement contesté ces agissements de leur concurrents TIGO.
La licence accordée étant globale, Tigo devient de facto un fournisseur d’accès à internet, service qu’elle pourra fournir sur l’ensemble de ses réseaux. Mais pour avoir des tarifs compétitifs par rapport à la concurrence, il ne faudra pas qu’elle soit comme Expresso dépendante de la Sonatel, notamment sur la bande passante internationale. En effet, ce qui limite de manière très considérable l’agressivité de Expresso sur le marché de l’internet, c’est le fait qu’elle rachète une partie de la bande passante de Sonatel sur le câble sous-marin SAT3, à un tarif plus ou moins élevé. Tigo pourrait passer par le câble sous-marin GLO1 de l’opérateur nigerian Globacom, même s’il se dit ça et là que la capacité de ce câble est en partie commercialisée par Orange Business Services, filiale de la Sonatel, ce qui serait une aberration commerciale.
Afin que la licence globale de TIGO puisse avoir un impact positif sur le consommateur, il va falloir que le régulateur commence à jouer son rôle. Sur ces nouveaux marchés cités plus haut, Tigo peut être considéré comme un nouvel entrant. Le régulateur a dans ses principales missions la responsabilité de faire en sorte que les nouveaux entrants aient l’ensemble des conditions nécessaires à leur développement pérenne sur ces marchés, quitte même à imposer des contraintes réglementaires aux opérateurs historiques. Il faudra que le régulateur mette enfin en œuvre certains leviers de régulation que TIGO, mais aussi Expresso, pourra utiliser pour accroitre la concurrence sur les différents marchés pertinents du secteur des télécommunications. Parmi ces leviers de régulation, le plus urgent est le dégroupage de la boucle de cuivre de la Sonatel. Il est important que tout sénégalais qui souhaite avoir un accès à internet par ADSL ne soit pas obligé de le souscrire chez Sonatel. La sélection du transporteur constitue aussi un levier qui peut permettre à TIGO et à Expresso de gagner des parts de marché sur le trafic sortant des lignes fixes de la Sonatel. Il est également important que tout client mobile ou fixe qui veuille changer d’opérateur puisse le faire tout en gardant son numéro d’appel, cette faculté appelée portabilité des numéros permet de lever l’un des obstacles qui découragent les clients à changer d’opérateur. Il n’y a que la mise en place de ces leviers de régulation qui peuvent permettre au consommateur sénégalais de ressentir réellement l’impact de ces licences globales accordées aux concurrents de la Sonatel. Espérons juste que la nouvelle TIGO sera plus entreprenante et agressive que Expresso Senegal, à défaut, la Sonatel aura de beaux jours devant elle.
La rédaction d’itmag.sn