afrique_telecom_ngn
afrique_telecom_ngnSur un marché de plus en plus concurrentiel, les opérateurs indépendants peinent à préserver leur rentabilité et à offrir des perspectives de développement. La plupart d’entre eux s’acheminent vers une disparition programmée. Déjà dominée par une dizaine de multinationales, l’Afrique des télécoms va-t-elle connaître une nouvelle vague de concentrations ? Sans doute, à en croire les déclarations de grands holdings internationaux qui étudient depuis quelques mois les conditions de leur retrait du continent. Soumis au diktat des marchés financiers, le français Vivendi pourrait ainsi se séparer de Maroc Télécom, présent dans cinq pays, tandis que le russe Vimpelcom a annoncé la mise en vente des opérations d’Orascom en Centrafrique, au Burundi et, à terme, au Zimbabwe, pour se recentrer sur ses marchés européens.

Reste à savoir si ces cessions attireront les investisseurs. Si les leaders du secteur représentent toujours de véritables cash machines, nombre de filiales africaines, y compris au sein des grosses écuries, accumulent les pertes. « Dans un marché où la compétition s’intensifie, chaque opportunité d’acquisition est évaluée au cas par cas. Nous préférons souvent investir sur notre réseau plutôt que d’acheter un acteur de second rang », confirme le patron d’un des principaux opérateurs africains. Le désintérêt est encore plus fort lorsqu’il s’agit de petits marchés comme le Liberia, la Sierra Leone ou la Gambie.

Quatre grands groupes – MTN, Vodafone, Orange et Bharti – totalisent 72% des abonnés africains.

Un véritable casse-tête pour les indépendants dont la plupart, incapables de financer leur développement, cherchent aussi à vendre leurs actifs. Si les télécoms séduisent toujours les investisseurs, une partie d’entre eux s’oriente plutôt vers d’autres acteurs du secteur comme les gestionnaires de tours de télécommunication. Fin octobre, le nigérian IHS a ainsi levé 97 millions d’euros pour poursuivre son développement.

Horizon sombre

Boudés par les grands groupes et par les financiers, ces petits opérateurs seraient donc condamnés à survivre seuls, voire à disparaître pour les plus fragiles. Ils ne représentent plus qu’environ 15 % des abonnés africains quand quatre groupes – MTN, Vodafone, Orange et Bharti – en totalisent 72 %. « D’ici à cinq ans, beaucoup n’existeront plus. Pour être rentable, il faut avoir au moins 20 % de part de marché et un flux de trésorerie positif, c’est loin d’être toujours le cas », reconnaît Hassanein Hiridjee, actionnaire de référence de Telma, numéro trois à Madagascar.

La situation de Bell Bénin, dont la dette envers Bénin Télécom s’élève à quelque 7 millions d’euros, ou la volonté du saoudien Bintel de céder l’opérateur Azur à ses partenaires locaux faute d’avoir réellement percé en RD Congo témoignent de ces difficultés. L’horizon des petits opérateurs privés est d’autant plus sombre que certains gouvernements sont désormais décidés à faire le ménage. En Côte d’Ivoire, Bruno Koné, ministre des TIC, assure qu’aucun opérateur ne sera artificiellement maintenu en vie. Sont visés Comium et GreenN, respectivement numéros trois et quatre du marché. Son objectif : permettre aux leaders de garder suffisamment de marge de manoeuvre pour investir dans le développement de leurs réseaux.

« La principale difficulté des indépendants, c’est qu’ils ne profitent pas d’un effet de levier », résume Jean-Michel Huet, directeur associé du cabinet de conseil BearingPoint. Impossible pour eux de répartir leurs dépenses marketing ou le développement de nouveaux services sur plusieurs grosses filiales. Sans parler, pour certains, de la quasi-absence d’accords de roaming (connexions interpays) – alors que cela peut représenter plus de 10 % du chiffre d’affaires d’un opérateur. « Lorsque nous achetons du matériel, nous le payons aussi plus cher, car notre force de négociation est limitée. Pour s’en sortir, les indépendants doivent avoir plusieurs cordes à leur arc et ne pas dépendre que des communications mobiles classiques, dont les prix baissent », explique Hassanein Hiridjee.

Le prix de la licence 3G est une sérieuse barrière financière pour les petits opérateurs

Innover

La situation sera compliquée, d’ici à quelques années, pour des opérateurs comme Warid au Congo ou Comium en Côte d’Ivoire, dépourvus de relais de croissance comme la 3G ou le mobile banking (services financiers via le téléphone). Pour résister, les indépendants peuvent cependant faire valoir quelques atouts, comme des charges de personnel limitées et un circuit de décision très court leur offrant souvent une meilleure réactivité – par exemple lorsqu’il s’agit de partager avec leurs fournisseurs les revenus générés par une plateforme informatique ou une application, plutôt que d’investir sur fonds propres dans de tels équipements. « Si nous avons gagné six points de part de marché cette année sur MTN et Bharti Airtel, et retrouvé une marge Ebitda positive, c’est en innovant », confirme Michel Élamé, directeur général de Warid Congo. Chez cet opérateur, l’approvisionnement en carburant de certaines tours de télécommunication a été confié à des particuliers et la remise en circulation des numéros de téléphone inactifs a été accélérée.

Ancien dirigeant de la filiale congolaise de Zain, Michel Élamé sait pourtant que l’avenir de Warid ne peut s’envisager qu’à moyen terme. Son objectif : valoriser au mieux l’entreprise avant une probable cession. « Le prix de la licence 3G est une sérieuse barrière financière pour les petits opérateurs, et ce sera pire lorsque la 4G sera adoptée », confirme Jean-Michel Huet. Les acteurs indépendants dont la marque est populaire pourraient alors faire le choix de devenir des opérateurs virtuels, en louant les réseaux des géants du secteur.

Julien Clémençot

Source: Jeuneafrique.com

Laisser un commentaire