La leçon tirée de cette faillite technique
Bien que pour l’instant, le Niger doive attendre les réparations du câble – qui aux dernières nouvelles a été rétabli – nous pouvons espérer qu’une leçon aura au moins été tirée de cet incident technique ; « Cette rupture du câble a permis de se rendre compte de la vulnérabilité du dispositif de télécommunications au Niger. Il fait aussi ressortir l’importance de disposer d’un back up de rechange et surtout la nécessité de construire le tronçon fibre optique avec le Burkina Faso », explique M. Adamou Iro, expert juriste-manager en Technologies Informatiques & Télécoms à Niamey. Le SAT-3 est en effet le seul câble disponible pour se connecter à l’internet à grande vitesse. Les seules autres options possibles, si la SONITEL ne veut pas payer des sommes exorbitantes pour une connexion de rechange par satellite, seraient de trouver un accord avec les opérateurs télécoms des pays voisins sur des moyens alternatifs.
Présentement, la SONITEL n’a aucun plan d’urgence en place. Selon M. Iro, la raison pour laquelle la SONITEL ne dispose pas de ce type de plan est un problème de gestion interne et de ressources humaines. La SONITEL devrait normalement être sanctionnée par l’Autorité de régulation des télécommunications (ARM) pour rupture de service public, puisqu’une solution de rechange ou une minimisation de la panne auraient raisonnablement dû être prévues – il est du devoir de l’ARM et du gouvernement de veiller à ce qu’un plan stratégique et un dispositif soient conçus et disponibles pour faire face à de telles situations. Le fait qu’une société de cette envergure n’ait rien de prévu en cas d’urgence reflète un manque de compétences et de ressources humaines ou tout au moins une responsabilité technique injustifiable.
Pourtant, les problèmes de connexion au Niger vont au-delà d’un câble brisé – en fait, presque 80% des communautés rurales au Niger n’ont toujours pas accès à des services de communications de base comme le mobile ou la téléphonie fixe, et donc encore moins à l’internet. Néanmoins, le taux du téléphone mobile est monté à 19,5% depuis 2005, où il était à 4,6% et le taux dans les zones rurales à peine desservies est monté de 1,4 à 12,9 % pour cette même période, selon l’Institut Nigérien de la Statistique (INS). Malgré ces avancées, la situation des télécommunications au Niger est loin d’être satisfaisante. Selon une recherche menée par M. Iro dans le cadre du projet Communiquer pour influer en Afrique centrale, de l’Est et de l’Ouest (CICEWA) pour l’Association pour le progrès des communications, des problèmes fondamentaux se trouvent au niveau de la Déclaration de Politique des télécommunications datant de 1999 et qui est aujourd’hui complètement dépassée quant aux objectifs que se sont assignés les pouvoirs publics dans le secteur. Ce qui a eu pour conséquence le timide développement du secteur dans le pays, avec notamment des infrastructures inadéquates ; le niveau des prix pratiqués par les opérateurs en sont le résultat.
Un pas vers l’action
Le Collectif des Syndicats du secteur des télécommunications qui n’entend pas rester muet face à cet état de fait a plusieurs fois tiré sur la sonnette d’alarme et a fini par conclure aussi sur l’échec de la réforme et surtout de la privatisation de la SONITEL. L’une des plus évidentes conclusions des Nigériens face à cette situation est que : La gestion des investissements actuellement réalisés ne tient compte ni des intérêts technologiques encore moins des intérêts économiques et financiers de l’État du Niger, des populations et du personnel de la SONITEL.
M. Iro écrit dans son rapport : « En effet ni l’Autorité de régulation, ni le ministère de la Communication n’a pris l’initiative d’élaborer et faire adopter les textes réglementaires d’application indispensables à la sanction effective des opérateurs qui ne respectent pas leurs cahiers de charges. C’est pourquoi à ce jour plusieurs mises en demeure adressées par l’Autorité de régulation aux différents opérateurs de télécommunications sont restées pratiquement sans effet et non suivies de sanction ». Si tel est le cas avec la concurrence et la régulation du secteur des télécommunications, il n’est donc pas surprenant que ces derniers n’aient pas non-plus pu prévoir comment minimiser la dépendance du pays aux infrastructures béninoises pour la connexion au haut débit en cas de panne.
Note : Cet article a été écrit dans le cadre du projet Communiquer pour influer en Afrique Centrale, de l’Est et de l’Ouest (CICEWA) par APC, afin de promouvoir le plaidoyer pour un accès abordable aux TICs pour tous. CICEWA cherche à définir les obstacles politiques qui préviennent un accès abordable à l’infrastructure des TIC en Afrique et à demander leur élimination afin de créer une plateforme solide pour la connectivité sous-régionale en Afrique de l’Est, de l’Ouest et Centrale.
[readon1 url=”http://www.apc.org”]Source : apc.org[/readon1]