Adoption de nouveaux textes législatifs et réglementaires : le temps presse
En février 2011, suite à un processus qui avait duré plusieurs années, le Sénégal s’est doté d’un nouveau Code des télécommunications intégrant les six directives relatives au secteur des télécommunications et des TIC de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) adoptées le 23 mars 2006 à Abidjan (Côte d’ivoire) et les six actes additionnels au Traité de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) relatifs au secteur des télécommunications et des TIC adoptés 19 janvier 2007 à Ouagadougou (Burkina Faso). L’objectif visé était d’harmoniser les cadres législatifs et règlementaires nationaux des pays membres de l’UEMOA et de la CEDEAO en transposant ces dispositions communautaires dans la législation sénégalaise afin de mettre en place des marchés unifiés, dynamiques et compétitifs. Malheureusement, près de six années après l’adoption de ce Code, celui-ci est toujours largement inapplicable faute de l’adoption des décrets d’application devant préciser certaines modalités de sa mise en œuvre. Cela étant, après des années de mobilisation des acteurs de l’écosystème numérique, les autorités ont adopté en Conseil des ministres un projet de loi modifiant la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant Code des télécommunications, un projet de décret relatif au partage d’infrastructures de Télécommunications et un projet de décret relatif aux modalités d’attribution de l’autorisation d’opérateur d’infrastructures. S’il faut se réjouir de cette importante avancée encore faudrait-il que le processus d’adoption, le fameux « circuit », soit des plus rapides possibles au risque de continuer à bloquer pendant des années, les conditions de la transition vers une économie numérique performante avec les conséquences irréparables en termes de positionnement que cela pourrait entrainer. En effet, il faut toujours garder à l’esprit que le rythme de développement des technologies numériques est environ dix fois supérieur à celui des technologies classiques au point que la durée de l’année Internet est considéré comme équivalant à trois mois ! Cela signifie que chaque jour perdu pour l’adoption de ces textes en raison des lenteurs dues aux circuits de validation administratif et législatif devra être multiplié par un facteur de quatre pour avoir une juste idée du temps réellement perdu. Or une autre considération à prendre en compte est le fait que très souvent, ce ne sont pas les meilleurs produits et services qui l’emportent auprès des utilisateurs, qu’il s’agisse de personnes physiques ou de personnes morales, mais bel et bien ceux qui se positionnent les premiers sur une niche où sur un marché géographique donné. Le développement de la Société de l’information et notamment la transition vers une économie numérique exigent donc une refonte régulière de l’environnement légal et réglementaire afin de prendre en compte, au moment opportun, les nouvelles problématiques qui se posent en fonction de l’évolution des technologies et des usages. Ainsi, le gouvernement serait bien avisé de revoir les modalités selon lesquelles il entend autoriser les activités de trois fournisseurs d’accès Internet (FAI) en abandonnant le système des licences, octroyées après enchères, qui ne pourra que contribuer au renchérissement des coûts pour l’utilisateur final, au profit d’une simple autorisation d’opérer donnée à des entreprises qui répondront à un cahier des charges précis favorisant une excellente connectivité dans les villes comme dans les campagnes. De plus, l’autorisation d’opérer pour de nouveaux fournisseurs d’accès internet, ne peut se concevoir sans la mise en place du point d’échange Internet (IXP) dont le bureau a été mis en place depuis plus d’un semestre. Par ailleurs, il est urgent de réguler le partage d’infrastructures qui s’impose de plus en plus comme une solution pour mutualiser les réseaux, éviter les redondances inutiles, réduire les coûts d’investissements et faire baisser les tarifs d’utilisation pour les utilisateurs. Si la construction d’une infrastructure nationale unique, un moment envisagée lors de la transition de la télévision analogique au numérique a été provisoirement rejetée, celle-ci risque bien de s’imposer par la force des choses tant il est impensable que continuent à se développer des réseaux parallèles dont le coût de la construction et de la maintenance est au final répercuté sur l’utilisateur. Il est donc urgent qu’un opérateur d’infrastructure, qu’il soit public, privé ou résultant d’un partenariat public-privé, puisse voir le jour pour gérer ces infrastructures critiques et couteuses. Le temps presse et la modification du cadre législatif et réglementaire est urgente.
Alex Corenthin
Secrétaire aux relations internationales
OSIRIS