Ce succès s’explique d’abord par les énormes besoins en communication à satisfaire sur un continent où les opérateurs publics se sont globalement montrés incapables de fournir un service universel des télécommunications accessible à la majorité des citoyens. A cela, s’ajoute qu’avec l’ouverture des marchés à la concurrence, le ticket d’entrée pour accéder aux services de la téléphonie mobile a drastiquement baissé au point d’être souvent quasiment gratuit si l’on omet le prix d’acquisition du terminal qui a lui aussi fortement baissé sous le double effet de la vente d’appareils neufs à bon marché et de l’émergence d’un marché des terminaux de seconde main. Mieux, pour rendre plus abordables les tarifs des communications, qui restent malgré tout beaucoup plus élevés que ceux de la téléphonie fixe, les opérateurs ont multiplié les opérations de promotion, réduit la valeur faciale des cartes de recharge de crédit, permis la recharge de crédit à partir de sommes dérisoires et autorisé le transfert de crédit à un tiers. Malgré son succès, la téléphonie mobile a pendant longtemps offert une gamme de services et d’applications visant des niches d’utilisateurs à travers notamment le téléchargement de sonneries et de logos, des services d’informations par SMS et plus récemment l’Internet mobile. Les choses ont cependant commencé à changer depuis le milieu des années 2000 avec le lancement de systèmes de paiement par téléphone mobile tels Wizzit, M-Pesa, Text me cash, Celpay, Orange Money, Zap, etc. Sur un continent où l’écrasante majorité de la population est quotidiennement confrontée aux affres de la pauvreté et où de nombreuses familles vivent, où plutôt survivent, grâce aux transferts de fonds effectués d’un côté par les immigrés et d’un autre côté par tous ceux qui bénéficient de revenus réguliers, ces systèmes de transfert de fonds ont rapidement connu un grand succès. Ils se substituent en effet aux services financiers postaux peu développés et souvent peu fiables ainsi qu’aux banques qui jouent un rôle marginal avec un taux de bancarisation de 3,6% pour l‘ensemble du contient africain. Dans ce contexte, et si leur utilisation n’implique pas le paiement de commissions trop élevées, ils pourraient jouer un rôle important pour le paiement des factures des sociétés concessionnaires (eau, électricité et téléphone), le versement de salaires, de pensions de retraite ou de bourses d’études, l’acquittement de certaines taxes, la réalisation d’opération dans les organismes de microcrédit, etc. La précipitation avec laquelle les opérateurs de téléphonie cellulaire présents en Afrique s’empressent de proposer des services de paiement par mobile semble indiquer qu’ils pourraient devenir la « killer application » de la téléphonie mobile sur le continent dans les prochaines années. Sur des marchés de plus en plus concurrentiels avec trois (Sénégal), quatre (Ghana), cinq (Ouganda), voire six opérateurs (Côte d’ivoire) et sur lesquels la portabilité des numéros devrait peu à peu faire son apparition, la mise en place de ce type d’application est également un excellent moyen pour les opérateurs de fidéliser durablement une clientèle qui devrait être de moins en moins captive. Ceci dit ne rêvons pas trop ! L’Afrique n’ayant pas encore fait son entrée dans la société de consommation, loin s’en faut, ces services, mêmes s’ils présentent un réel intérêt, ne devraient pas révolutionner les activités financières et commerciales et la valeur des transactions générées ne devrait pas porter sur des montants extraordinaires au regard du volume global des mouvements financiers de toutes sortes.
Amadou Top
Président d’OSIRIS
[readon1 url=”http://www.osiris.sn”]Source : osiris.sn[/readon1]