Statut du journaliste, financement des médiats, cadre juridique, presse en ligne : Comprendre le nouveau Code de la Presse
Papa Atoumane Diaw, coordonnateur de la PRE-CONCERTATION NATIONALE SUR LES MÉDIATS : L’esprit et la lettre d’un Code de la presse consensuel
« De l’affirmation du principe de la liberté de la presse, nous sommes passés au droit du public à l’information. Mais, il n’y a pas de liberté sans limites. Ce qui implique la responsabilité des médiats et des professionnels des médiats. Le Code de la presse va consacrer ces principes ». Ces propos de Papa Atou Diaw, coordonnateur de la pré-concertation nationale sur la presse, témoignent du souci de l’Etat de doter le secteur des médiats d’un Code de la presse qui tienne compte de l’accès à l’information plurielle pour le citoyen, comme de l’accès aux sources d’informations pour la presse. Enfin, le nouveau Code de la presse s’adaptera à l’évolution des métiers et à l’environnement des médiats, notamment le boom des journaux, radios et télévisions. Le tout, dans une démarche inclusive.
a« De l’affirmation du principe de la liberté de la presse, nous sommes passés au droit du public à l’information. Mais, il n’y a pas de liberté sans limites. Ce qui implique la responsabilité des médiats et des professionnels des médiats. Le Code de la presse va consacrer ces principes ». Ces propos de Papa Atoumane Diaw, coordonnateur de la pré-concertation nationale sur la presse, témoignent du souci de l’Etat de doter le secteur des médiats d’un Code de la presse en tenant compte du besoin du citoyen d’avoir accès à une information plurielle et des professionnels des médiats de disposer de la liberté d’accéder à l’information. Dans ce sens, différents acteurs ont été impliqués afin d’arriver à un Code de la presse consensuel.
Pour Papa Atoumane Diaw, directeur de la Communication, qui campe les raisons qui ont motivé l’élaboration de ce nouveau Code de la presse et le processus dans lequel s’est déroulée la pré-concertation avec les différents acteurs afin de parvenir à un code consensuel, « au Sénégal, le secteur de la presse, signe de vitalité de la démocratie, a connu, ces dernières, années un développement fulgurant avec le boom des radios, la montée en puissance de la télévision et l’émergence de nouveaux médiats, comme la presse en ligne, qui n’ont pas été accompagnés par un texte conséquent qui organise le secteur ».
C’est dans ce cadre qu’il a été initié une réflexion axée sur l’ébauche du projet d’un Code de la presse, lequel servira de « document introductif à la concertation nationale sur la presse ».
L’objectif étant, selon M. Diaw, d’arriver, avec tous les acteurs du secteur impliqués dans le processus, « à un code plus adapté aux évolutions du secteur et aux pratiques des métiers de la presse ».
Et, pour atteindre cet objectif, une revue documentaire a été faite. Elle s’est fondée sur la Loi 96-04 relative aux organes de communication sociale et aux professions de journaliste et technicien mais aussi sur les différents travaux réalisés ces dix dernières années. C’est ainsi qu’on était visitées les recommandations des concertations nationales sur la presse de 2000, à Mbour, le rapport général de l’atelier sur la dépénalisation des délits de presse et la mise à jour des textes sur la presse de novembre 2004, de même que le rapport définitif de la commission de réforme de la législation relative aux organes de communication sociale et aux professions de journaliste et de technicien d’août 2008. A cela, s’ajoutent les recommandations du séminaire sur la situation de la presse au Sénégal et de l’atelier de l’Uemoa sur le financement des médiats publics de 2009. Si le souci de se référer aux textes déjà existants a été une préoccupation majeure, c’est parce qu’estime le directeur de la Communication, Atoumane Diaw, « notre mérite sera d’aller plus loin ». « C’est pourquoi, nous avons mis sur la table toutes les études qui ont été faites pour doter le secteur d’un Code de la presse en tenant compte du besoin du citoyen d’avoir accès à une information plurielle et des professionnels des médiats de disposer de la liberté d’accéder à l’information », ajoute-t-il.
Seulement, précise M. Diaw, « il n’y a pas de liberté sans limites. Ce qui implique la responsabilité des médiats et des professionnels des médiats. Ainsi, de l’affirmation de la liberté de la presse, qui est un principe de valeur constitutionnelle, nous passons à la théorie moderne du droit du public à l’information avec la détermination de limites nécessaires dans une société démocratique. Le Code de la presse va consacrer ces principes »
Démarche inclusive
Les quatre ateliers, qui ont été constitués lors des travaux tenus sous la coordination du directeur de la Communication, ont travaillé d’arrache-pied, du 5 novembre au 17 décembre 2009, au 11ème étage du ministère de la Communication. Ils ont ainsi statué, tour à tour, sur le statut professionnel du journaliste et du technicien de la communication sociale, le cadre juridique, le financement des médiats et la presse en ligne.
Si l’Etat a tenu à impliquer différentes structures comme le Synpics (Syndicat des professionnels de l’information et de la communication), le Cored (Comité pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie), le Cedeps (Conseil des éditeurs et diffuseurs de presse au Sénégal), la Société civile, l’Assemblée nationale, le Sénat, les religieux,…« c’est dans le seul but d’aboutir à l’élaboration et l’adoption d’un Code de la presse le plus consensuel possible », estime Papa Atoumane Diaw qui insiste notamment sur « le rôle permanent de contre-pouvoir que joue la presse ».
Par conséquent, « tout ce qui est fait par l’Etat de façon unilatérale est mal vu », soutient le directeur de la Communication, par ailleurs coordonnateur des travaux de la pré-concertation nationale sur la presse. Et de poursuivre : « c’est une démarche inclusive que l’Etat a voulu imprimer, laquelle aiderait à une application du Code de la presse qui ne se heurterait pas à d’éventuelles résistances ».
Aussi, souligne M. Diaw : « nous avons voulu minimiser les points de désaccord pour donner plus de crédit au texte. Et la plupart des acteurs qui ont été associés avaient les réponses à certaines questions sur auxquelles nous pensions qu’il était impossible de trouver une solution ». D’ailleurs, l’engagement des professionnels, qui ont fait un diagnostic sans complaisance du secteur, a été salué par le Pr Iba Der Thiam, vice-président de l’Assemblée nationale qui a participé à tous les ateliers, se réjouit le directeur de la Communication.
Assainir le milieu, former des professionnels de qualité
De l’avis de Papa Atou Diaw, l’atelier qui a suscité le plus de passion, lors de la pré-concertation sur la presse, est celui relatif à la définition du statut de journaliste.
« Pendant plusieurs jours, nous avons discuté et rediscuté pour parvenir à une définition juste et consensuelle », informe-t-il. L’accent a été notamment mis sur la déliquescence du métier de journaliste. Une situation due, explique M. Diaw, au fait que « le journalisme est un métier ouvert qui fascine et attire. Mais, alors qu’on ne s’improvise pas avocat, médecin ou architecte, ceux qui échouent partout veulent souvent être journaliste ». Mais, « ce sont les professionnels eux-mêmes qui ont convenu qu’il faut assainir le milieu et que les journalistes devraient être mieux formés », se félicite le coordonnateur des travaux de la pré-concertation nationale sur la presse.
La dépénalisation des délits de presse, une volonté politique affirmée par le chef de l’Etat de faire en sorte que les peines privatives de liberté soient supprimées, a aussi occupé une part importante des débats, lors de la pré-concertation nationale sur la presse. Il en est de même pour le financement des médiats.
Améliorer l’environnement économique des médiats
A ce propos, indique Papa Atou Diaw : « la crise n’a pas épargné le secteur de la presse avec le rétrécissement du marché publicitaire. C’est tout naturellement que le problème de la viabilité des entreprises de presse a été soulevé comme une très grande préoccupation. Et l’atelier qui a statué sur le financement des médiats a proposé une série de mesures et de recommandations qui, si elles sont appliquées, vont garantir la survie et l’expansion des médiats ».
Aussi bien le secteur public que le secteur privé sont concernés par le financement, estime le directeur de la Communication qui pense que le secteur privé doit être doté de moyens.
Selon lui, « le secteur public doit être financé en majorité par des moyens publics. Car, c’est le mode de financement qui dicte le type de programmation. Par exemple, un financement de la Rts par une redevance télé l’aiderait à se départir de sa logique de programmation commerciale, dictée par les annonceurs, pour se concentrer sur sa mission originelle et essentielle de médiat de service public. Ce qui laisserait une bonne part de la publicité, qui ne couvre d’ailleurs pas l’ensemble de ses besoins, au secteur privé, en garantissant le pluralisme. Les ressources générées par une redevance télé adossée sur les flux dynamiques des télécommunications et télé-services pourraient également alimenter le fonds d’aide et de garantie de la presse, soutient Papa Atou Diaw.
En effet, souligne-t-il, « l’une des recommandations fortes contenues dans le rapport général de la pré-concertation est la mise en place d’un fonds d’aide et de garantie de la presse dont le premier apport devrait être constitué par le reversement de la subvention annuelle versée par l’État au titre de l’aide à la presse. A ces ressources, vont s’ajouter l’affectation d’une partie des ressources générées par la taxation sur les flux de télécommunication et de télé-services et les fonds générés par la conférence des bailleurs ».
Le fonds d’aide et de garantie de la presse va notamment soutenir l’entreprise de presse en matière d’investissement, en finançant des projets de développement ou de modernisation des entreprises de presse et servir de garantie pour les prêts bancaires.
Aller vers la tenue de la concertation nationale sur la presse
Papa Atoumane Diaw, directeur de la Communication invite tous les acteurs engagés dans le processus à « maintenir le bel esprit et l’élan de générosité qui ont caractérisé la pré-concertation ». Il les appelle également à « se remobiliser dans la sérénité et à aller résolument vers la tenue de la concertation nationale sur la presse et déposer, dans un délai raisonnable, le projet de Code de la presse sur la table du Parlement. Le comité scientifique en a conscience ».
Cependant, en ce qui concerne les parlementaires, le coordonnateur des travaux de pré-concertation nationale sur la presse soutient qu’il y a des signes de résistances qui commencent à se manifester de la part de certains d’entre eux. « Nous devons leur expliquer les enjeux et finalités du Code de la presse parce que d’aucuns pensent que ce code est un permis d’injurier, de diffamer, de s’attaquer à la vie privée d’autrui… alors qu’il n’en est rien. Au contraire, le Code de la presse va consacrer les limites nécessaires devant protéger dans un régime démocratique le citoyen, le public et les institutions », conclut Papa Atou Diaw.
M.GUEYE
LIBERTE, statut, RESPONSABILITE…Souleymane Niang décortique le cadre de référence Le nouveau Code de la presse en gestation prévoit de grands changements qui, une fois adoptés, vont permettre de renforcer la liberté et la responsabilité du journaliste, mais également d’assainir la profession.
Faisant l’historique du processus, le directeur exécutif du Cored et membre du Comité scientifique chargé d’élaborer les termes de références de la concertation sur le Code de la presse, Souleymane Niang, a indiqué que les travaux sont dans la « phase préparatoire ».
Ainsi, « un petit comité a été mis en place ». Ce comité comprend d’autres acteurs comme le Synpics, le Comité des éditeurs et diffuseurs du Sénégal (Cdeps), mais aussi des personnes qui évoluent dans d’autres domaines (universitaires, opérateurs, régulateurs, juristes) et qui ont été d’un « apport substantiel ».
M. Niang a souligné que cette réforme du Code de la presse est « une demande des acteurs », parce que « le cadre juridique de référence des médiats qu’est la Loi 96-04, adopté et promulgué en 1996 est, de plus en plus, dépassé par l’évolution de l’environnement des médiats à plusieurs points de vue », a dit le directeur exécutif du Cored. Il en veut, pour preuve, le pluralisme médiatique « qui s’est renforcé d’année en année », l’évolution technologique avec Internet, l’apparition de nouveaux acteurs et d’une nouvelle forme de journalisme citoyen (en ligne).
D’où, « la nécessité de revoir ce cadre de référence », a-t-il affirmé. M. Niang a aussi ajouté que partant des péripéties, des avatars des relations entre la presse et le pouvoir, « les deux parties et plus particulièrement les pouvoirs publics, ont estimé qu’il fallait normaliser les relations, se mettre autour d’une table et discuter ».
Il a rappelé l’initiative du Synpics de 2004-2005, soutenu par des partenaires notamment l’Unesco, les ministères de la Justice et de la Communication. « C’est à cette date qu’il a été émis l’idée de se pencher sur la question de la dépénalisation du délit de presse, suite à l’engagement qui avait été pris par le président de la République en 2004. Ce dernier s’était engagé à dépénaliser et à réformer le Code », a dit Souleymane Niang.
Et, il y a deux ans, en 2008 (année très troublée, eu égard aux nombreux incidents et accrochages entre journalistes et d’autres secteurs de la société sénégalaise en particulier la classe politique), le chef de l’État avait demandé au Premier ministre de mettre en place le cadre de concertation.
« L’on se rappelle qu’à l’occasion de la Déclaration de politique générale en 2009, le Premier ministre, Souleymane Ndéné Ndiaye, a évoqué la question d’états généraux sur la presse », a noté M. Niang. Cela a été à la base du séminaire de Saly sur la communication gouvernementale dont l’un des ateliers s’est penché sur ces questions.
« C’est de cet atelier qu’est partie l’idée d’ouvrir des concertations, que la volonté politique, jusque-là exprimée par les différentes parties, a pris forme », a signalé le directeur exécutif du Cored pour qui l’actuel comité « n’a pas inventé ou réinventé la roue », mais est parti « du travail déjà fait ». C’est alors que fut mis en place un cadre institutionnel pour démarrer le travail avec des ateliers thématiques particulièrement sur « le Statut du journalisme, le Cadre juridique, le Financement de l’entreprise de presse et sur les Médiats en ligne ».
Changements
Selon le directeur exécutif du Cored, les grands changements issus de cette réforme portent sur plusieurs aspects que sont le Cadre juridique, le statut du journaliste, etc. S’agissant du Cadre juridique, M. Niang a fait remarquer que la Loi 96-04 ne comportait pas de dispositions particulières et claires sur l’audiovisuel (télévision) public comme privé ainsi que les médiats en ligne. « Ces deux éléments seront désormais intégrés », a-t-il indiqué, soulignant qu’au plan formel, la proposition a été faite de consolider, dans un cadre unique, l’ensemble des dispositions qui organisent notre secteur. « Les valeurs et principes ne sont pas occultés ».
Concernant le statut du journaliste, il a fait remarquer que la Loi 96-04 donnait une définition du journaliste jugée « minimaliste » parce que « axée sur la pratique et les revenus sans aucune allusion ni à la formation ni à l’expérience, etc. » Et M. Niang de souligner : « nous avons pensé que le critère principal de définition du journaliste demeure la formation sanctionnée par un diplôme, dans une école de journalisme reconnue par l’État, sans préjudice du fait que le journaliste formé à bonne école ayant son diplôme n’est journaliste que s’il pratique la profession », non sans préciser que « s’il pratique un autre métier, quoique formé en journalisme, il n’est pas considéré, au sens de la Loi qui sera proposée, comme un journaliste. Donc, le caractère principal et régulier de l’exercice de la profession est un critère déterminant mais qui vient à l’appui du critère principal de la formation et de la diplômation ».
Le deuxième critère, a dit Souleymane Niang, porte sur le diplôme de la Licence avec un minimum de deux ans d’expérience discontinus dans une ou plusieurs rédactions.
« Pour ceux qui ont une très longue expérience dans le métier et ne possédant ni de diplôme de journalisme ni de Licence, mais qui ont acquis des compétences, nous avons estimé que ceux-là aussi ont droit au statut de journaliste et à tous les symboles qui matérialisent le métier, notamment la carte », explique M. Niang, ajoutant que « le statut est matérialisé par la carte de presse ».
Autres éléments du statut
Le directeur exécutif du Cored souligne qu’à ces éléments s’ajoutent d’autres, notamment l’accès à l’information (mise à disposition de l’information par les pouvoirs), la protection (sécurité) dès lors que le journaliste montre sa carte ou autre signe distinctif comme le gilet. M. Niang pense aussi à d’autres privilèges et avantages qui pourront être « plus clairement définis en termes d’exonération, de réduction des prix, facilitation de l’accès au logement », précisant que ce sont là les propositions du Pr Iba Der Thiam qui seront versées dans le débat.
Le directeur exécutif du Cored tient à faire remarquer que le principe essentiel demeure celui de la « liberté ». C’est d’ailleurs « le principe premier et qui demeure irréversible et non négociable. Il n’a pas été question, lors de nos discussions, d’une moindre concession sur la liberté de presse. On ne peut, en aucun cas, la remettre en question ». Il signale qu’il ne s’agit surtout pas d’encadrer, mais d’assainir, de renforcer la presse dans ses différentes responsabilités : informer le public librement et en toute responsabilité.
« C’est pourquoi dans le Code, on a renforcé le chapitre consacré aux droits et devoirs », explique-t-il. L’autre élément reste le principe de l’intérêt public (le droit du public à l’information). D’où la demande de la dépénalisation du délit de presse avec un glissement sémantique assez important.
« Dans l’atelier « Cadre juridique », il y a eu trop de résistances, notamment des magistrats qui ne comprennent pas qu’on veuille soustraire le journaliste du champ pénal. Il a fallu expliquer que ce n’est pas une mesure isolée, mais que celle-ci entre dans le cadre général. S’il y a un statut clair, une bonne formation et une bonne protection, une responsabilisation accrue, on minimisera le risque de confrontation. Une concession a été même faite. En vérité, on va redéfinir le terme. Il ne s’agit pas de dépénaliser mais de « déprisonnaliser ». Quand bien même, il commettrait des erreurs ou violerait les lois, nous pensons qu’il existe des peines alternatives tout aussi avilissantes, notamment le retrait de la carte, l’interdiction d’exercice, etc. ».
De l’avis de Souleymane Niang, le journaliste « sera jugé sur la base du Code qui ne comportera pas de peines privatives et non plus au Code pénal ou Code de procédure pénal », estimant cependant qu’il appartient au journaliste de prendre conscience de son rôle dans la société qui consiste au « renforcement de la démocratie, la critique de l’action publique, de la société, l’orientation et la formation de l’opinion publique, mais d’abord informer juste de manière professionnelle et avec responsabilité ».
Entreprise de presse
Concernant les entreprises de presse, le directeur exécutif du Cored a souligné que, compte tenu de la situation difficile décrite par tous les patrons de presse, le comité a proposé « un statut particulier de l’entreprise de presse ». Il a aussi préconisé, dans l’immédiat l’application de « mesures ponctuelles », notamment « l’amnistie fiscale (régime particulier de taxes) et le financement substantiel ».
« Que l’aide à la presse soit renforcée, qu’il y ait un fonds de garantie qui facilite l’accès de l’entreprise de presse au crédit, une centrale d’achats, la mise en place d’institutions de régulation de la publicité, de l’impression, de la distribution, de la diffusion et de la télédiffusion. Bref, tous ces facteurs qui plombent les comptes des médiats », a dit M. Niang.
Mais, il a précisé que ce « régime préférentiel sera accompagné d’obligations ». Particulièrement « la transparence dans la gestion ». « Il faut que les entreprises soient mieux gérées, qu’elles respectent la réglementation en matière de gestion des sociétés, se conforment aux dispositions de l’Ohada (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du Droit des Affaires). Par ailleurs, on doit savoir qui détient quoi dans telle ou telle entreprise de presse », a déclaré Souleymane Niang qui affirme que cette exigence de transparence doit aussi être vis-à-vis des acteurs sociaux, « notamment des travailleurs qui doivent prendre des parts dans le capital social des entreprises de presse, de sorte qu’ils soient un peu plus impliqués dans la gestion ».
Daouda MANE
MAMADOU I. KANE, DELEGUE DES EDITEURS DE PRESSE : « Un Code consensuel ne ferait que renforcer la démocratie »
Délégué du Conseil des éditeurs et diffuseurs de presse au Sénégal (Cedeps) aux travaux préparatoires de la concertation nationale sur la presse, Mamadou Ibra Kane, par ailleurs directeur du quotidien « Stades », se dit favorable à un « code consensuel ».
Redéfinir le statut du journaliste, le conforter dans l’exercice de sa profession, faire respecter ses droits, mais aussi ses obligations, etc. En citant ces quelques exemples, Mamadou Ibra Kane, membre du Conseil des éditeurs et diffuseurs de presse au Sénégal (Cedeps), dit approuver le projet du Code de la presse issu des travaux des commissions préparatoires à la concertation nationale prévue en mars prochain.
M. Kane, délégué du Cedeps à ces travaux, affirme que l’entité qu’il représente est favorable à l’adoption d’un « code consensuel » de la presse tel que libellé par les ateliers de préparation de la concertation nationale.
« Ce sera un code consensuel, parce que discuté par toutes les parties prenantes aux ateliers », estime Mamadou Ibra Kane. Il rappelle que c’est sur initiative du président de la République que le ministère de la Communication a sollicité tous les acteurs de la presse : le Conseil pour le respect de l’éthique et la déontologie (Cored, le Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics), le Cedeps, l’Artp.
Des parlementaires, des magistrats, des représentants du ministère des Finances, des autorités religieuses, etc. ont aussi participé à la réflexion. Selon le directeur de publication du quotidien « Stades », un nouveau Code de la presse, issu de cette concertation, ne ferait que renforcer la démocratie. Cela, en rassemblant la Loi 96-04 et toutes les dispositions relatives à la presse et éparpillées un peu partout dans le Code de procédure pénale, le Code pénal, etc. et en corrigeant l’état de non droit qui existait dans l’environnement des médiats au Sénégal.
En définissant un nouveau statut du journaliste, souligne le délégué du Cedeps aux travaux de pré-concertation nationale sur la presse, le code rendra plus professionnel le métier de journaliste, l’assainira davantage et renforcera certainement le respect de l’éthique et de la déontologie.
Soulevant la mouture proposée pour constituer le futur Code de la presse, il cite l’article 162, relatif au cas d’« atteinte à l’ordre public, aux bonnes mœurs », etc. Dans les dispositions du futur code, relève M. Kane, il est donné à l’État d’exercer son pouvoir régalien, d’intervenir pour suspendre la publication d’un médiat, mais cela en notifiant d’avance la décision et en la confirmant dans les vingt-quatre heures. Jusque-là, note-t-il, l’autorité peut arrêter la diffusion ou la publication d’un médiat sans en avertir ses gérants.
Des concessions ont été faites de part et d’autre, pour l’élaboration du nouveau code, affirme-t-il, en citant cet exemple concernant les dispositions de l’article 162. L’autre aspect salué par Mamadou Ibra Kane, directeur de publication du quotidien « Stades » et délégué du Cedeps à la pré-concertation nationale, est la prise en compte de « l’environnement économique de la presse » par le futur Code de la presse. L’information, selon M. Kane, ne peut pas être prise comme de la marchandise. Et, il est temps que l’Etat, en concertation avec les acteurs, mette en place une politique pour la presse… Omar DIOUF
IBA DER THIAM, VICE-PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLEE NATIONALE : « Je vais défendre le nouveau texte au Parlement »
Le professeur Iba Der Thiam a représenté l’Assemblée nationale aux travaux de la commission scientifique sur la création d’un nouveau Code de la presse. Le vice-président de l’Assemblée nationale exprime sa satisfaction sur le pré-rapport établi par ladite commission. Il s’engage aussi à défendre les conclusions auprès des parlementaires.
« Je ne ménagerai aucun effort, afin de porter la voix de la presse partout, devant l’Assemblée nationale, auprès de l’opinion nationale et internationale », a déclaré le professeur Iba Der Thiam, interrogé juste après la conférence de presse de présentation du pré-rapport de la commission nationale de concertation sur la création d’un nouveau Code de la presse.
Le Pr Thiam s’engage également à porter le plaidoyer auprès du président de la République. Il a représenté l’Assemblée nationale dans les travaux de la commission scientifique composée des représentants du ministère de la Communication, du Syndicat des professionnels de l’information et de la communication (Synpics), du Conseil pour le respect de l’éthique et de la déontologie (Cored), du Collectif des éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps), de la Convention des jeunes reporters du Sénégal (Cjrs), de la Société civile, de la Magistrature.
Cette commission a travaillé, pendant près de deux mois, sur la création d’un nouveau Code de la presse. La présentation du pré-rapport a eu lieu le 25 janvier dernier dans les locaux du ministère de la Communication, en présence des acteurs concernés. Les réformes annoncées dans le rapport vont concerner le statut du journaliste, le financement des médiats, le cadre juridique et la presse en ligne.
Le professeur Thiam a exprimé sa satisfaction sur l’environnement dans lequel la commission a travaillé. « J’ai vu des citoyens attachés à leur profession, exigeants vis-à-vis d’eux-mêmes, manquant totalement de complaisance dans le traitement des dossiers et dans l’exercice d’auto- évaluation », a-t-il déclaré. « J’ai découvert une réalité que j’ignorais. J’ai découvert, durant les travaux de la commission auxquels j’ai pris part, des hommes et des femmes exigeants vis-à-vis d’eux-mêmes. Des Sénégalais préoccupés de doter leur pays d’une presse crédible », a ajouté le vice-président de l’Assemblée nationale.
Les travaux lui ont manifestement permis de mieux comprendre l’environnement des médiats. « J’ai eu le sentiment que nous avons été injustes envers les hommes de médiats », dit-il, remerciant le président de la République qui, selon lui, s’évertue à doter le Sénégal de l’un des meilleurs codes au monde. Babacar DIONE
MÉTIER DE JOURNALISTE : La formation, porte d’entrée dans la mission d’informer
Le Code de la presse en gestation au Sénégal vise, entre autres, à donner un nouveau statut au journaliste. Dans les organes de presse, les professionnels sont conscients que la formation est la seule voie pour assainir la profession.
Il est 10h 30 à la Radio télévision sénégalaise (Rts). Le calme règne dans les couloirs. En cette veille de Magal, beaucoup de reporters et chefs de services sont absents. A la salle de réunion de la radio, quelques reporters conversent.
Le rédacteur en chef « Actualités », Mamadou Thior, est le seul responsable sur les lieux. Selon lui, l’assainissement de la presse serait une bonne chose. M. Thior soutient que pour parler de statut, il faut d’abord régler l’épineux problème de la formation des journalistes. Chargé de la coordination de la rédaction et de l’encadrement des stagiaires, il indique que le niveau des apprenants est, de plus en plus, faible.
« Dans certaines écoles de formation en journalisme, on prétend enseigner le métier de journaliste, alors qu’il n’en est rien. Un apprenant doit avoir de bonnes prédispositions : avoir le sens de l’observation, être capable de parler un bon français et, pour la radio, avoir une voix radiophonique est un plus », explique-t-il. En plus, notre interlocuteur a révélé que dans les rédactions, les anciens ont tendance à ne plus s’impliquer dans l’encadrement des jeunes. Car, il faut de la patience et du temps pour bien encadrer un stagiaire.
« Un journaliste, ajoute-t-il, doit être un modèle. Un homme correct et qui s’exprime bien en français. Or, depuis quelques années, c’est la catastrophe. Cette situation nous mène directement à la déchéance. Les autorités ont raison de dire que ne peut pas être journaliste qui veut. Il nous faut un statut ».
A la salle de réunion de la télévision sénégalaise, c’est la grande discussion entre consœurs.
Hourèye Thiam (journaliste-reporter) accepte de se prêter à nos questions. Sur le statut du journaliste, elle tanche : « il est temps que l’on assainisse ce métier. Personne ne peut se lever un bon jour pour dire qu’il est médecin, avocat ou magistrat. Pourquoi doit-on l’accepter dans notre métier ? On parle souvent de dérives dans notre métier, mais je demeure convaincue qu’un journaliste bien formé ne franchit jamais certaines limites dans le traitement de l’information. Étant responsable, il sait à quoi s’en tenir dans la collecte, le traitement et la diffusion de l’information. Je considère qu’un journaliste mal formé est un terroriste ».
A la « Radio futurs médias (Rfm) », la grande édition du journal de 12h se prépare. Membre du Cored et directeur de la rédaction de la Rfm, Alassane Samba Diop reconnaît que le journalisme est un métier libéral. Toutefois, « il est impératif d’assainir ce métier surtout avec le boom médiatique constaté ces dernières années », s’empresse-t-il d’ajouter. Mieux, il suggère le recyclage des journalistes qui exercent le métier sans subir au préalable une formation initiale. « Dans les cahiers de charge, une obligation est faite aux groupes de presse de consacrer 2% de leurs chiffres d’affaires à la formation de ses travailleurs ».
A ce propos, il renseigne qu’à la Rfm, il y a un fonds qui prend en charge 75% du coût de formation de tout agent de la boite qui veut se perfectionner. « Aujourd’hui, affirme-t-il, nous avons encouragé nos correspondants régionaux à se former, soit à travers ce fonds ou les bourses de la Convention des jeunes reporters ou celles offertes par l’État dans le cadre du fonds d’appui à la presse. Ici, nous sommes conscients que c’est la qualification des ressources humaines qui fera la différence demain ».
En plus, M. Diop invite l’Etat à harmoniser l’obtention de la Carte nationale d’identité de presse en supprimant les cartes-maison. La preuve, il y a des gens qui ont des cartes de presse-maison, alors qu’ils ne sont pas des journalistes. Avec la carte nationale, Alassane Samba Diop souligne que l’État peut savoir exactement le nombre de journalistes qui existe au Sénégal. Il pourra aider les journalistes à avoir une réduction sur les billets d’avion et d’autres avantages afin qu’ils fassent bien leur travail. Car, chaque État a besoin de la bonne information pour se développer. Il souhaite que le nouveau Code de la presse prenne en charge toutes ses considérations.
Toujours est-il que M. Diop précise que le fait de remplacer les sanctions pénales par les sanctions financières ne règle pas les conflits. Il faut que les acteurs mettent l’accent sur la formation pour avoir des journalistes responsables, sérieux qui érigent l’éthique et la déontologie en dogme. Il interpelle l’État à appuyer le Cored qui est en mesure de régler beaucoup de choses sans tambours, ni trompettes.
Pour Baye Oumar Guèye, rédacteur en chef de Sud Fm, au-delà de l’assainissement de la presse, il faut la rendre plus dynamique pour permettre aux acteurs de s’épanouir. Même s’il admet qu’il y a maintenant trop d’erreurs et de manquements dans l’exercice de cette profession au Sénégal. « La presse est devenue la porte d’entrée pour tout le monde. Si l’on n’y prend garde, elle ressemblera à une poubelle. C’est pourquoi, je pense que le Code doit être revisité pour sécuriser la profession », précise-t-il, avant d’inciter les journalistes à disposer d’un plan de carrière défini aussi bien par lui que par l’organe de presse qui l’emploie. Baye Oumar Guèye considère que la formation est fondamentale.
Coordinateur du collège des délégués de la Sspp « le Soleil » et chef du desk Culture, Modou Mamoune Faye renvoie les acteurs à l’esprit de la loi qui régit la profession. Cette loi stipule : « Est journaliste toute personne diplômée d’une école de journalisme reconnue par l’État et dont l’activité principale régulière et rétribuée consiste en la collecte, au traitement et à la diffusion de l’information. Toute personne titulaire d’un diplôme de licence ou équivalent, suivi d’une pratique professionnelle de deux ans dans la collecte, le traitement et la diffusion de l’information au sein d’un organe de communication sociale, sanctionnée par un jury de validation des acquis de l’expérience ».
Néanmoins, M. Faye relativise en soutenant qu’en appliquant strictement la loi, l’on risque de fermer la porte du métier à beaucoup de talents. Car, on peut avoir des diplômes et être un mauvais journaliste, en foulant au pied les règles d’éthique et de déontologie. Tout comme on peut ne pas être diplômé et avoir un esprit critique et beaucoup d’expérience pour être un bon journaliste. Mais, précise-t-il, cela ne doit pas dédouaner les jeunes à se former.
Maké DANGNOKHO
FINANCEMENT DE L’AUDIOVISUEL : Des avis partagés sur la question
L’avis des journalistes est mitigé sur la question relative au financement de l’audiovisuel au Sénégal. Selon Modou Mamoune Faye, coordonnateur du Collège des délégués de la Sspp « le Soleil », les réalités françaises ne sont pas transposables au Sénégal. « Il faut arrêter ce complexe à croire que tout ce qui se fait ou se dit en France peut être appliqué à la lettre chez nous. Les réalités sont différentes. D’autant plus que les annonceurs ont des cibles dans la publicité. Les cibles à atteindre en accordant de la publicité au « Soleil » ne sont pas forcément les mêmes en donnant de la publicité à un autre organe qui n’a pas le même lectorat », a-t-il expliqué. Toujours, est-il, qu’il exhorte à la réglementation du secteur.
Alassane Samba Diop, directeur des rédactions de la Rfm, considère que le marché de la publicité est caractérisé par l’anarchie au Sénégal. « La publicité génère plus de 17 milliards de francs Cfa chaque année. Si le secteur est réglementé, c’est-à-dire, bien organisé, tous les groupes de presse peuvent s’en sortir. C’est le lieu d’interpeller l’État qui peut aussi y gagner à travers les taxes ».
Parlant du fonds d’aide à la presse, M. Diop souhaite qu’il serve à la création d’une centrale d’achat du papier avec des tarifs préférentiels, à alléger le paiement des factures d’eau, d’électricité et de téléphone, les impôts et les cotisations à l’Ipres et à la Caisse de sécurité sociale. « L’État doit considérer la presse comme un secteur sérieux, qui aujourd’hui, crée beaucoup d’emplois, donc contribue considérablement à la réduction du chômage », rappelle-t-il. Il précise que c’est l’État qui doit financer le service public de l’audiovisuel à l’image de la France pour permettre au secteur privé de se partager le marché de la publicité.
Selon Baye Oumar Guèye, le financement de l’audiovisuel pose une question économique liée au développement. Car, les groupes de presse sont des entreprises. Si l’État prend en charge le financement du service public et aide le privé à réglementer le marché de la publicité, il n’y aura plus de précarité dans la profession. « Il est important, note-t-il, que l’on sache sur quoi les gens se basent pour définir les tarifs publicitaires ».
M. DANGNOKHO
CHEIKH BAMBA NIANG, PRÉSIDENT DU COMITÉ SCIENTIFIQUE DE LA CONCERTATION NATIONALE SUR LA PRESSE : « Il faut que l’obligation qui pèse sur les organes classiques soit respectée par la presse en ligne »
Le Sénégal va disposer bientôt d’un nouveau Code de la presse avec un champ de réglementation élargi prenant en compte l’audiovisuel et la presse en ligne. C’est la conviction de Cheikh Mouhamadou Bamba Niang, président du comité scientifique de la pré-concertation nationale sur la presse. Dans cet entretien, M. Niang revient également sur le nouveau statut du journaliste, la dépénalisation des délits de presse, la commission nationale de la carte de presse.
Vous avez pris part aux travaux de la pré-concertation nationale sur le nouveau Code de la presse. Pouvez-vous revenir sur les premières conclusions ?
Le constat est que la Loi 96-04 n’était plus adéquate pour la couverture juridique des activités de collecte, de traitement et de diffusion de l’information. L’inadéquation se mesure d’abord à son étendue parce qu’elle ne prenait pas en compte toutes les matières relevant de la presse en terme de diversification avec l’entrée de la presse en ligne aujourd’hui et la question de l’audiovisuel qui relevait d’autres textes et surtout avec l’organisation de la réception des médiats étrangers au niveau du Sénégal. Nous pouvons retenir que nous avons élargi le champ de la réglementation en intégrant l’audiovisuel dans le nouveau Code de la presse en chantier. Nous avons intégré la presse en ligne dans notre réflexion pour pouvoir l’organiser juridiquement.
Nous avons aussi intégré la question du financement des médiats en l’encadrant mieux sur le plan juridique et en le prévoyant dans le Code de la presse. Les ateliers préparatoires se sont aussi appesantis sur le statut du journaliste parce que dans l’ancienne loi, la définition du journaliste s’arrêtait au métier en réalité. Celui qui procède à la collecte, au traitement et à la diffusion de l’information et qui tire ses revenus essentiellement de cette activité. Mais, nous avons constaté que cette définition relevait plus d’une définition d’un métier que d’une définition d’une profession. Quand nous avons procédé à un glissement dans la réflexion pour faire du métier de journaliste une profession, la conséquence c’est que l’accès à cette profession va obéir à des règles plus précises qui pourront permettre de savoir sur quel critère et par quelle condition la personne peut intégrer cette profession. Nous avons, à partir de cette maxime que liberté d’une profession ne signifie pas anarchie à l’accès à cette profession, posé des critères qui permettent de mieux définir le journalisme et de préciser les conditions d’accès à la profession. C’est d’abord le diplôme obtenu après des études de journalisme ou l’expérience acquise sur le terrain et validé par un jury de validation des acquis qui pourront permettre à quelqu’un qui pratique le métier, depuis très longtemps, sans avoir subi une formation, d’intégrer ce métier et avoir le statut de journaliste.
Nous allons aussi interroger le cadre dans lequel vont se mouvoir les journalistes. Il était important de le préciser parce que d’abord dans un premier temps, il y a un acquis constitutionnel sur lequel il n’était pas question de revenir. C’est la création d’un organe de communication sociale, mais assujetti à une déclaration préalable. Et lorsqu’on organise mieux dans une entreprise, il fallait donner à cette entreprise un statut qui lui permette de ne pas souffrir des conditions contraignantes qui pourront remettre en cause l’activité de collecte, de traitement et de diffusion de l’information. C’est pourquoi, nous avons beaucoup insisté sur la définition du statut de la société de presse. Il est vrai aussi que toute activité nécessite dans le contexte actuel de Mondialisation, au-delà de la réglementation, une autorégulation et une régulation.
Au-delà de l’organe de régulation classique qui est fixé, nous avons donné une place importante à l’organe d’autorégulation qui sera intégré au niveau de ce Code et à qui on fera jouer un certain rôle lui permettant d’avoir une autorité pour pouvoir procéder à l’autorégulation du secteur et qui pourra aussi aider dans la définition du statut du journaliste et pour l’octroi de la carte de presse. Il pourra aussi veiller à la déontologie et à l’éthique. Cet aspect est d’autant plus important que dans le code, tout un chapitre a été consacré aux droits et aux devoirs du journaliste, par rapport à l’éthique et à certaines situations.
Quels sont ces devoirs ?
Ces devoirs sont nombreux. Ce sont l’éthique et la déontologie, le principe de la sécurité de l’information. Il faut d’abord sécuriser la diffusion de l’information en astreignant le journaliste au principe qui gouverne son activité, la recherche de l’information, le recoupement des sources, la protection de la source, l’accès à l’information, la non utilisation de l’information dans un sens contraire à l’objectif de recherche qui est de la porter à l’attention du public. Parce que nous avons privilégié la notion d’intérêt public. Il y a également le respect de la vie privée, la diffusion d’une information fiable.
On a constaté que depuis presque 3 ans, la commission nationale de la carte de presse ne s’est pas réunie. Quelles sont les dispositions que vous avez prises pour l’obtention de cette carte ?
Il faut d’abord reconnaître que la commission nationale de la carte de presse a connu une certaine léthargie dans son fonctionnement. Depuis l’expiration du mandat de l’ancienne commission, il n’y a pas eu de mise en place d’une nouvelle commission. En octobre 2009, la nouvelle commission a été installée. Avant qu’elle ne démarre ses activités, est intervenue la concertation nationale sur la presse. Les activités avaient été un peu suspendues pour permettre à cette concertation d’évoluer. Nous avons repris nos activités et nous nous sommes même réunis hier (ndlr : mercredi 10 février 2010) et nous envisageons de rencontrer le Synpics, le Cored, le Cdeps et la Convention des jeunes reporters pour pouvoir discuter avec eux. Il va falloir que les critères dégagés pour exercer le métier soient respectés. D’abord la qualité de journaliste prouvé au niveau de l’entreprise qui emploie cette personne. C’est la preuve de l’existence d’une rémunération qui justifie que l’activité soit produite et surtout remettre à jour le fichier des effectifs de ceux qui ont la carte et ceux qui ne l’ont pas et le nombre de journalistes existant. Vous conviendrez avec moi qu’il y a d’abord tout un travail préalable qu’il va falloir satisfaire avant de commencer à étudier les dossiers et délivrer les cartes de presse. Nous nous sommes donné un délai, en fonction du délai de la concertation nationale, pour le dépôt des conclusions finales et l’adoption du Code de la presse. Mais, en tout état de cause, il faut retenir que nous allons démarrer nos activités pour redynamiser cette commission, rencontrer les différents acteurs et convenir avec eux des modalités de fonctionnement et de collaboration entre la commission nationale de la carte de presse et les organes concernés.
Vous avez mis des garde-fous pour l’accès à la profession de journaliste et l’occupation des postes de directeur de publication et de rédacteur en chef.
Qu’en est-il des conseillers et attachés de presse, si l’on sait qu’un arrêté des années 80 avait fixé les conditions (13 ans pour être conseiller et 6 ans pour être attaché de presse) ?
Il faut dire que les réflexions au niveau des ateliers préparatoires ne se sont pas attardées sur cette question qui relève des prérogatives du ministère de la Communication qui va, compte tenu des conclusions qui sont retenues et de la consistance des textes, fixer les conditions dans lesquelles quelqu’un peut être nommé attaché ou conseiller de presse.
Avec l’arrivée de la presse en ligne, quelles sont les dispositions particulières prises pour cette catégorie de médiat ?
Il y a des propositions d’encadrement juridique de la presse en ligne pour sa constitution d’abord, la diffusion de l’information et pour la responsabilité des acteurs. Responsabilité des acteurs signifie responsabilité des initiateurs du concept qui lancent le journal en ligne et aussi la responsabilité de ceux qui interviennent dans cette ligne. Le responsable de la presse en ligne est en partie responsable du contenu qu’il fait paraître, même si c’est par l’accès d’internautes au site qui héberge cet organe de communication. Il n’est pas facile d’encadrer juridiquement la presse en ligne parce que c’est Internet qui est lui-même réfractaire à toute forme d’organisation juridique, compte tenu de la liberté technologique. Mais, n’empêche, il est possible, et nous l’avons démontré, de prévoir des dispositions particulières qui puissent permettre d’identifier d’abord ce qu’est une presse en ligne et de pouvoir l’astreindre à un certain régime juridique. Nous avons réfléchi avec des pionniers de la presse en ligne. Nous avons convenu de la nécessité de labelliser le concept de presse en ligne et de pouvoir lui affecter un certain régime juridique. Il faut que la même obligation qui pèse sur les organes classiques (recherche et collecte de l’information) soit respectée par la presse en ligne. Il faut une certaine originalité dans les informations qui paraissent pour pouvoir être considéré d’abord comme une presse en ligne. Il faut aussi employer des journalistes professionnels et accepter d’assumer la responsabilité de ceux qui écrivent dans cette presse en ligne et du contenu.
En votre qualité de juriste ayant participé à l’élaboration de ce nouveau Code de la presse, ne craignez-vous pas des blocages pour son application ?
Une disposition juridique n’est pertinente que lorsqu’elle est mise en œuvre. C’est-à-dire on ne peut mesurer l’importance de sa pertinence qu’à l’épreuve de son application. On ne peut pas préjuger de ce que sera l’application de ce nouveau code. Toujours est-il qu’il faut des préalables. Le premier de ces préalables, c’est que tous les acteurs souscrivent à la nécessité d’une réglementation qui embrasse l’ensemble des secteurs et qui soit pertinente par rapport au niveau d’activité. Il faudrait aussi que les différents acteurs s’approprient les textes en les comprenant, en les acceptant, en les appliquant, qu’ils y adhérent et qu’ils s’y soumettent. Je crois que si ces préalables sont remplis, quelles que soient les difficultés éventuelles que l’application de ces textes pourrait générer, nous pourrons ensemble travailler à essayer d’aller au-delà. Surtout qu’une innovation très importante, si elle est acceptée, va bouleverser la donne. C’est la dépénalisation du délit de presse. Disons plutôt « déprisonnalisation ». C’est-à-dire ce glissement dans la méthode de sanction des dérives constatées dans l’exercice du métier de journaliste qui font que désormais ces dispositions pénales contenues dans le nouveau code proposé vont venir en lieu et place des dispositions classiques contenues dans le Code pénal. Les sanctions seront pécuniaires et seront partagées entre les journalistes et les entreprises de presse qui les emploient et qui excluent la prison des modes de sanction appliquée aux journalistes qui violent la loi pénale dans le cadre de l’exercice de leur activité de journaliste. Pour ce faire, il faudrait que l’on comprenne la philosophie du code, que les professionnels adhèrent au principe décliné et aux valeurs proposées dans le chapitre relatif à leur devoir qui donne une importance particulière au respect des règles éthiques et déontologiques. Que l’organe d’autorégulation puisse être assez fort et avoir assez d’autorité pour prévenir certaines dérives et au besoin les sanctionner pour que le journaliste qui acquiert cette profession ait un sens élevé de sa mission. Je crois que si on s’accorde sur cet ensemble de facteurs, nous pourrons dire que nous aurons réussi la mission de doter la presse d’un instrument juridique approprié pour l’exercice de l’activité journalistique.
Quel rôle devrait jouer l’administration centrale ?
Un rôle de vulgarisation, de partage, de veille, d’encadrement, de sensibilisation pour d’abord rendre compréhensible et acceptable cette disposition. Et ensuite permettre qu’on parvienne à avoir un texte que s’approprient et que comprennent tous les acteurs. Mais, aussi et surtout, un rôle de veille pour que la philosophie ne soit pas perdue en cours de route, que l’application de ces textes soit à la mesure des attentes des acteurs et que ce qui doit relever de la responsabilité de l’administration centrale soit satisfaite.
Et la place des correspondants régionaux dans ce nouveau code ?
Nous considérons le correspondant régional comme un journaliste. Il n’y a pas un journaliste et un correspondant régional. Dans ce code, nous avons insisté sur une chose. C’est-à-dire que le journaliste, c’est celui qui est employé dans un organe de communication sociale et qui tire l’essentiel de ses revenus de l’exercice de l’activité journalistique. C’est aussi le journaliste qui n’est pas lié par un contrat de travail dans l’organe de communication sociale. Donc, le correspondant régional, c’est un journaliste qui relève de la même catégorie, de la même définition juridique que le journaliste dont nous avons parlé dans le statut.
Dans ce nouveau code, quelles sont les dispositions prises pour l’application de la convention collective ?
Je crois que même le Synpics a beaucoup réfléchi sur la manière de revoir le contenu de cette convention pour la rendre plus adaptée et qu’elle soit conforme à la nouvelle réglementation juridique. Mais, je ne voudrais pas m’y aventurer, outre mesure, car nous n’avons pas intégré l’étude de la convention collective dans les réflexions que nous avons menées au niveau des ateliers préparatoires, même si nous l’avons eu en ligne de mire. Mais, nous n’avons pas procédé à un toilettage, parce que la Convention collective fait intervenir les travailleurs. C’est un accord entre les travailleurs et les employeurs qui reçoit l’onction du ministère de la Fonction publique et du Travail et, qui après, fait force de loi dans la prise en charge des travailleurs dans leur cadre par les employeurs et par la loi.
Entretien réalisé par Aliou KANDE
DIATOU CISSE BADIANE, SG DU SYNPICS : « Il est possible de travailler avec la tutelle sans aliéner la liberté syndicale »
L’explosion médiatique au cours de ces dernières années a mis à nu les problèmes liés à la pratique du journalisme au Sénégal. Les conditions sont alors réunies pour engager des réformes prenant en compte les nouvelles réalités. Le Secrétaire général du Syndicat national des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics), Diatou Cissé Badiane, jette un regard empreint d’optimisme sur la réflexion en cours pour l’élaboration du Code de la presse.
L’élaboration d’un nouveau Code de la presse est une exigence dans un contexte de mutation s’intervenant dans le paysage médiatique. Telle est la position de Diatou Cissé Badiane, Secrétaire général du Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics).
A vrai dire, plusieurs métiers connexes et de nouveaux supports comme la presse en ligne n’étaient pas pris en compte. « La configuration de la presse sénégalaise a beaucoup changé. Le paysage médiatique a connu de nombreuses mutations. Il est donc normal que le code évolue. Pour nous, la contrainte serait qu’on refuse de réviser le code en vigueur », argumente-t-elle.
La prise en compte des nouvelles réalités conforte le Synpics à poursuivre les échanges avec le ministère de tutelle pour trouver un cadre juridique adapté sans que la liberté de presse ne soit remise en cause. « Le Synpics a toujours pensé qu’il était possible, sans aliéner la liberté du syndicat, de travailler de concert avec la tutelle pour faire avancer certains dossiers, surtout quand ils sont de nature juridique », indique la syndicaliste qui précise que les intérêts de la profession seront défendus sur toute la ligne au cours du processus.
Larges concertations sur le statut du journaliste
« Il faut dire que le ministre de la Communication, Moustapha Guirassy, a montré, en tous cas, à l’égard du Synpics, de bonnes dispositions en vue d’une collaboration basée sur l’intérêt de la profession. Nous sommes partie prenante de ces concertations, en toute franchise certes, mais dans une position de veille permanente, pour qu’à l’arrivée, la presse sénégalaise sorte renforcée », professe Mme Badiane.
Toutefois, elle est consciente que la question du statut du journaliste ne sera pas réglée du jour au lendemain. « Je crois aussi qu’une loi ne saurait être rétroactive, par conséquent, les dispositions nouvelles régissant le statut du journaliste vont s’appliquer dès l’adoption de la prochaine loi », clarifie Diatou Cissé. Et de préciser : « pour le moment, nous en sommes à la phase de formulations de propositions, le schéma retenu étant, au cours de concertations plus larges, de soumettre nos travaux à d’autres acteurs ».
Outre le statut du journaliste, « le statut de l’entreprise de presse, les modalités de son renforcement, l’amélioration de son environnement économique sont également discutées. Mais, encore une fois, tout ceci reste à l’état de propositions… », estime Mme Badiane.
Le Synpics milite pour la dépénalisation du délit de presse, même s’il a, entre-temps, adopté une position plus flexible. « Le Synpics portait avec beaucoup de détermination ce dossier. Mais, il faut veiller à ce que la sanction pécuniaire ne vienne tuer l’entreprise de presse. Nous maintenons la proposition, mais dans les concertations, nous sommes en train de réfléchir aux garde-fous à ériger, de telle sorte que la « déprisonnalisation » ne soit pas une épée de Damoclès sur la tête de l’entreprise de presse », avertit Diatou Cissé Badiane.
Les journalistes, des justiciables
En défendant la dépénalisation, la profession ne cherche pas à mettre les journalistes au-dessus de la loi. Au contraire, l’absence de sanctions pénales, en cas de délit de presse, s’inscrit dans le souci de garantir la liberté de presse et, par ricochet, d’approfondir notre système démocratique.
« Je voudrais rassurer l’opinion qui, à juste raison, ne comprend pas pourquoi on réclamerait la dépénalisation pour les journalistes. Ces derniers sont des justiciables, des citoyens qui, lorsqu’ils entrent en conflit avec les lois, doivent payer. Nous voulons juste, dans l’exercice de notre métier, que lorsque nous nous trompons de bonne foi, qu’on ne soit pas jeté en prison », précise la syndicaliste. Et d’ajouter : « il en est également ainsi lorsque nous sommes supposés avoir commis le délit de diffamation. Le temps de dire le droit, le juge peut nous priver de liberté, quitte à être acquitté par la suite, faute de preuve ».
L’opinion, selon Diatou Cissé Badiane, ne doit pas regarder la dépénalisation comme une faveur supplémentaire accordée à une catégorie de citoyens.
« Je veux aussi rappeler qu’il n’y a rien de prétentieux dans cette demande. Les députés bénéficient, par exemple, de l’immunité parlementaire », défend la syndicaliste.
La réflexion pour l’élaboration d’un nouveau Code de la presse n’occulte pas les questions vitales concernant la survie des entreprises de presse. L’explosion médiatique caractérisée par la floraison des journaux, des radios, des chaînes de télévision et le boom des sites d’information inspirent, de façon logique, une revalorisation du montant global de l’aide à la presse.
« Pour le renforcement de l’outil de travail, nous militons pour une subvention plus conséquente en faveur des organes de presse. Le service public a un coût. L’État se doit, au nom du droit des citoyens à l’information, d’en payer le prix. La presse privée comme publique a dans son cahier des charges, une mission de service public », explique le Secrétaire général du Synpics.
Toutefois, Diatou Cissé Badiane souhaite voir l’émergence d’une véritable culture de la bonne gestion au sein des organes de presse. Mieux, le montant attribué à chaque organe de presse doit être proportionné au respect des droits des travailleurs.
« Des mesures doivent être prises pour professionnaliser davantage la gestion de l’entreprise. De même, cet argent, relevant du contribuable, doit avoir une traçabilité. La position du Synpics est que la subvention soit corrélée d’un respect plus accru des droits des travailleurs des médiats », exige Diatou Cissé Badiane.
Le respect de la Convention collective des journalistes, aujourd’hui caduque, a été, pendant plusieurs années, le cheval de bataille de l’organisation syndicale. Cependant, peu d’organes respectent cette convention.
L’organisation syndicale étudie la possibilité, pour les travailleurs, de devenir des actionnaires des organes de presse. Ainsi, ils auront droit aux bénéfices générés par l’entreprise.
« Nous sommes en train de proposer que les travailleurs puissent détenir des actions dans l’entreprise de presse. Cette position est motivante à plus d’un titre : les travailleurs bénéficient de dividendes, de plus ils sont directement associés à la gestion financière de l’entreprise souvent couverte d’une voile bien épaisse », estime le Secrétaire général du Synpics, selon qui, si cette formule venait d’être appliquée, plusieurs journalistes seraient tirés de la précarité dans laquelle certains patrons de presse veulent les confiner pour l’éternité.
Idrissa SANE et Eugène KALY
Les acteurs culturels apprécient Dans le tempo d’une préférence nationale et africaine
A une nuance près, les acteurs culturels saluent les dispositions consignées dans le nouveau Code de la presse et qui concernent la diffusion des œuvres musicales dans les médiats audiovisuels.
L’article 17 du nouveau Code de la presse stipule que « les productions nationales et africaines doivent impérativement occuper au moins 60% de la grille quotidienne des programmes de toute chaîne de radiodiffusion sonore. Ce pourcentage exclut les rediffusions. Cette obligation ne s’applique pas aux radiodiffusions à vocation internationale ».
Dans l’article 18, il est écrit que « les productions nationales et africaines doivent impérativement occuper au moins 50% de la grille quotidienne des programmes de toute chaîne de télévision. Ce pourcentage exclut les rediffusions ».
De l’avis de Massamba Mbaye, président de l’Association de la presse culturelle du Sénégal (Apcs), les dispositions édictées par le nouveau Code de la presse orientent vers une certaine préférence nationale voire continentale à propos de la musique. Évacuant toute péjoration à cette notion de préférence, il se pose une question : est-ce un facteur de développement de l’industrie musicale sénégalaise ? Pour Massamba Mbaye, la réponse est affirmative. Mais, nuance-t-il, il faut bien situer le rôle des médiats dans ce dispositif.
« Les médiats sont des clés de promotion de ces musiques, estime le président de l’Apcs. Car, il est bien précisé la diffusion sur les chaînes radiophonique et télévisuelle. C’est impératif, pour les productions musicales, d’avoir des outils de promotion ».
En effet, il est difficile, pour les producteurs, d’avoir des médiats à leur disposition ailleurs pour des raisons de coût, de goût de certains publics étrangers. Mais, la promotion n’est qu’un levier et il n’est pas premier. Du point de vue de Massamba Mbaye, le développement de l’industrie musicale suppose des musiciens de talent, de la recherche musicale, des capitaux, des unités de production, une demande solvable (c’est-à-dire des mélomanes qui veulent et qui ont les moyens d’acheter des produits musicaux), un cadre légal qui suppose le paiement des droits d’auteur, la lutte efficace contre la piraterie, etc.
D’où cette préoccupation somme toute légitime. Est-ce que tous ces facteurs sont réunis ou sont en voie de l’être ? Le président de l’Apcs ne le croit pas.
« Il faut constater l’extrême pauvreté de la production musicale sénégalaise pour s’en rendre compte, dit-il. La thématique est la même d’une production à l’autre. Le « mbalax » prime pour les musiques du pays. A l’échelle africaine, ce n’est peut-être pas le cas. Et l’un des intérêts de ce code serait d’ouvrir l’horizon musical intérieur afin d’apprécier, en retour, toutes les richesses portées par nos variantes culturelles ».
Autre interrogation soulevée par ces dispositions, la question des droits d’auteur et de la lutte contre la piraterie. « Le conflit entre le Bureau sénégalais du droit d’auteur (Bsda) et un groupe de presse atteste du chemin à parcourir », souligne le président de l’Apcs. Selon lui, il serait intéressant, également, d’apprécier des initiatives du genre dans d’autres pays comme la France. « Le tout musique française avait déprécié fortement la qualité de la programmation radiophonique et audiovisuelle des médiats français, rappelle-t-il. J’entrevois la difficulté et son contournement avec l’exception accordée aux radiodiffuseurs à vocation internationale. Ce terme est d’une rare imprécision quand on sait que nombre de nos chaînes de radio peuvent être écoutées sur Internet ».
30 ans de retard
Le journaliste culturel se demande s’il faudra épiloguer sur la vocation internationale, première ou seconde ?
D’autant plus, insiste le président de l’Apcs, qu’il est évident que la programmation musicale sur les diffuseurs médiats est ajustée à la demande. « Est-on en droit d’imposer autre chose à des investisseurs au risque de faire décliner leurs activités ? », s’interroge-t-il.
Quelle sera la compense pour les groupes de presse qui brideraient ainsi leur business plan ? En d’autres termes, comment faudra-t-il sensibiliser voire intéresser ces diffuseurs aux questions culturelles majeures et salvatrices qui traversent cet ajustement au niveau de programme ? « Assurément, des mesures ponctuelles ont une résonance globale et complexe qu’il faut bien cerner », suggère Massamba Mbaye.
Pour sa part, Guissé Pène, Secrétaire général de l’Association des métiers de la musique (Ams) salue l’initiative. « Malgré le retard que cela a pris, c’est une bonne chose, estime-t-il. Le Sénégal a 30 ans de retard sur la législation par rapport aux autres pays. A mon sens, les productions musicales locales doivent occuper plus de 60% dans l’espace audiovisuel ».
Le Secrétaire général de l’Ams cite en exemple la France qui, dans les années 80, a introduit la loi des 70% de la production qui devaient être locaux. A son avis, ce retard est peut-être une bonne chose, car cela a permis au moins au Sénégal de grandir, d’avoir plus d’expérience dans ce domaine et d’être plus outillé pour qu’une fois la décision prise d’avoir les dispositions nécessaires pour que cela soit effectif.
« C’est une bonne chose pour la musique, parce que cela permet à l’artiste, tant soi peu, de vivre dignement de son travail », estime Guissé Pène.
Sur la question de la préférence nationale, le président de l’Ams ne nourrit pas de craintes. « Quand on parle de musiques locales, il faut savoir que le Sénégal est un pays très diversifié, rassure-t-il. Il y a toutes les sensibilités, que cela soit dans le domaine du folklore ou des musiques modernes. Je ne pense pas qu’il y ait une incidence sur ce plan. L’incidence résiderait dans le simple fait que cette musique soit exploitée sans pour autant que les droits soient respectés ».
Quid de la qualité des productions musicales ? Le Secrétaire général de l’Ams pointe du doigt les diffuseurs, parce que, dit-il, ils doivent, dans leur organigramme disposer d’un directeur des programmes apte à faire des choix sur la qualité de la musique.
Pour l’auteur-compositeur Pape, du duo Pape et Cheikh, ces nouvelles dispositions du Code de la presse constituent une forme d’appui à l’industrie musicale sénégalaise et c’est un encouragement dans la promotion de la musique.
En tant qu’artiste affilié au Bsda, notre souhait est que les diffuseurs des médiats respectent les droits d’auteur », déclare-t-il.
El Hadji Massiga FAYE
Source: lesoleil.sn