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csa_boyonLe président de l’autorité de régulation de l’audiovisuel dresse un tableau du marché de la télévision et des radios qui passe au tout-numérique dans un contexte économique difficile. Il revient également sur la décision de l’Autorité de la concurrence de limiter les exclusivités d’un diffuseur dans un délai d’un an ou deux.

 

1) Depuis le début de l’année l’économie du paysage audiovisuel est bouleversée. Pensez-vous qu’on soit proche d’une stabilisation ?

Non, le paysage n’est stabilisé ni en télévision, ni même en radio. En 2009, la télévision continue d’être le média de référence, mais ses modes de consommation changent et elle n’échappe pas à la crise économique. Depuis un an, TF1 et M6, qui ont à supporter les coûts d’une double diffusion analogique et numérique, sont confrontées à une baisse de leurs recettes publicitaires; quant aux nouvelles chaînes de la télévision numérique terrestre, elles n’ont pas encore atteint leur équilibre d’exploitation. Or c’est précisément le moment où les unes et les autres doivent investir massivement dans le passage au tout numérique, la haute définition, la télévision mobile personnelle. Il faut les aider à passer le cap difficile des 18 prochains mois.

2) Certains élus craignent que certains des téléspectateurs ne se trouvent devant un écran noir lors du basculement vers la télé tout numérique…

Certains lobbies agitent auprès des élus l’épouvantail de l’écran noir. Ce n’est pas une attitude responsable ! L’objectif fixé par la loi est de couvrir 95% de la population métropolitaine ;le CSA a ajouté une obligation minimum de desserte par département. Dans les faits, l’objectif sera probablement dépassé. Mais il ne serait pas raisonnable d’imposer aux chaînes de financer plus d’émetteurs numériques. Pour les foyers qui ne recevront pas la télévision par voie terrestre, des solutions confirmées existent : le câble, l’ADSL et surtout le satellite. L’offre TNTSat de Canal compte déjà 1,2 millions d’utilisateurs, tandis qu’Eutelsat vient de lancer son offre Franssat. Un fonds d’accompagnement permettra d’aider les personnes ayant des revenus modestes à s’équiper pour la télévision numérique. Je souhaite que les conditions d’accès à ce fonds soient assouplies.

3) A l’instar du rachat par TF1 des chaînes TMC et NT1, certains pensent que la concentration va se poursuivre sur le marché de la télévision numérique terrestre. Y êtes vous favorable ?

Le rachat de TMC et NT1 par TF1 n’a pas encore été notifié au CSA. Vous me permettrez donc de ne pas me prononcer sur cette opération. Je suis persuadé néanmoins que les concentrations vont se poursuivre dans le secteur de la télévision. C’est le sens de l’histoire. Mais le CSA sera très vigilant sur tous les regroupements à venir. Il veillera au maintien de la pluralité des acteurs et s’assurera que la concurrence s’exerce le mieux possible. Il faut être conscient que les grands groupes audiovisuels français n’ont pas encore la taille suffisante pour affronter la compétition européenne, qu’il s’agisse de TF1 et M6 pour la télévision gratuite ou de Canal pour le payant.

4) NRJ 12 invoque le manque de circulation des oeuvres pour justifier le non- respect de ses obligations de diffusion. Est-ce un argument recevable ?

Cet argument est insuffisant. La circulation des oeuvres est une réelle préoccupation du Conseil qui publiera une étude sur le sujet à la rentrée. Mais, si l’accès aux oeuvres est parfois plus difficile pour les chaînes indépendantes, tous les diffuseurs sont tenus de respecter leurs obligations, ce qui doit être aussi le cas pour NRJ12. Avec la loi du 5 mars, l’éventail des sanctions a été élargi : le CSA a maintenant le pouvoir de suspendre temporairement la diffusion d’écrans publicitaires. Ce devrait être dissuasif.

5) L’Autorité de la concurrence propose de limiter à un ou deux ans les exclusivités d’Orange. Cette recommandation vous paraît-elle pertinente ?

L’avis de l’Autorité de la concurrence est très proche de celui qu’avait rendu le CSA. Nous partageons la même philosophie. Il se différencie néanmoins par la durée consentie à un opérateur pour développer des exclusivités : il me paraît très difficile de construire un nouveau service sur un socle économique et financier solide en un ou deux ans comme le recommande l’Autorité de la Concurrence. Le CSA avait pour sa part préconisé un délai plus long, en maintenant l’opérateur sous surveillance afin de vérifier que les équilibres du marché et les possibilités d’accès du public ne soient pas perturbés.

6) Etes-vous favorable à une loi pour fixer les règles du jeu sur le marché de la télévision payante ?

Je n’y suis pas, par principe, hostile. Mais, en audiovisuel, la loi, trop rigide, trop détaillée, est toujours en retard sur la technique. Je lui préfère la régulation, plus souple, plus évolutive, mieux adaptée aux exigences d’un secteur économique en perpétuel changement.

7) Quel bilan tirez-vous de l’arrêt de la publicité sur France Télévisions ?

Je constate que personne ne préconise de revenir en arrière ! Paradoxalement, France Télévisions se trouve dans une situation plus confortable que les chaînes privées, puisqu’elle est assurée d’une dotation publique pluriannuelle. Sur le plan des programmes, la réforme a permis de revitaliser les deuxièmes parties de soirée. C’est très positif pour la production audiovisuelle et pour le public.

8) Après la télévision, c’est au tour de la radio de passer au numérique avant la fin de l’année. Certains acteurs critiquent le choix fait par le CSA d’attribuer de nouvelles fréquences à de grands groupes RTL, Europe 1 dans le sport et l’information…

Avec la musique, déjà bien présente, les deux moteurs de la radio sont l’information et le sport. Le CSA a fait des choix équilibrés entre les différentes catégories de programmes. Bien sûr, ces choix sont critiqués, mais des entreprises dynamiques n’ont pas à contester le principe de la compétition ! La radio numérique terrestre sera lancée avant la fin de l’année sur les trois zones de Paris, Marseille et Nice. Ce sera une bonne occasion pour offrir des récepteurs à Noël ! Le Premier ministre a décidé d’affecter entièrement la bande  de fréquences à la radio numérique. Nous pouvons donc aujourd’hui passer immédiatement aux fréquences définitives et attribuer aux opérateurs des zones de diffusion plus vastes.

De nouveaux appels à candidatures seront lancés avant la fin de l’année et sur un rythme trimestriel jusqu’en 2013, 2014. Faudra-t-il un jour arrêter la diffusion analogique ? Bien sûr, mais il faut savoir qu’il y a 150 millions de récepteurs radios en France : le renouvellement de ce parc va prendre du temps. Les radios associatives doivent être aidées pour s’équiper et payer les coûts de diffusion en numérique ; une mission a été confiée sur ce point à Emmanuel Hamelin. J’ai proposé qu’une seconde mission porte sur l’accompagnement des autres radios, notamment les radios commerciales indépendantes, pour l’équipement, la fabrication des programmes et la diffusion. Le Premier ministre a désigné Marc Tessier, qui aura également à se pencher sur la question des seuils anti-concentration.

9) Certaines radios nationales ne veulent plus payer la taxe qui finance les radios associatives. Quelle est votre position ?

Cette taxe est prévue par la loi. S’il faut aider les radios commerciales à passer un moment difficile sans créer d’injustice, ni d’inégalités, leur demande peut se concevoir. Mais toutes ces taxes, que ce soit sur les radios ou les télévisions, ne sont pas apparues par hasard : elles répondent à la recherche d’un équilibre économique d’ensemble.

10) Cyril Viguier vient de remettre son rapport au Premier ministre pour débloquer le dossier enlisé de la télévision mobile personnelle. Vous croyez encore à cette technologie ?

Je suis très optimiste pour un lancement de la télévision mobile personnelle en 2010. Les opérateurs télécoms veulent épuiser les capacités de leur réseau 3G avant de se lancer dans la TMP. Cela est compréhensible. Les éditeurs de chaînes, eux, connaissent des difficultés financières. Tous souhaitent donc attendre un an ou deux. Le rapport de Cyril Viguier a permis d’éclairer les discussions entre ces différents acteurs. Les réseaux 3G seront bientôt saturés et, dans le même temps, la télévision mobile correspond à un mode de consommation qui apportera d’énormes avantages. Les grandes chaînes ont besoin d’être diffusées sur un réseau broadcast, tandis que les chaînes plus spécialisées peuvent être diffusées sur la 3G. Quand j’entends certains dire qu’il serait préférable d’attendre la future 4G, cela me fait sourire. Personne ne sait en quoi elle consistera, et elle n’arrivera pas au mieux avant 2015. Le CSA ne transigera pas sur son exigence d’une couverture de 30% de la population en trois ans. Sans encore retenir de date butoir pour le lancement de la TMP, il est prêt à fixer une date limite pour la remise des conventions par les chaînes qu’il a sélectionnées.

11) Les radios musicales demandent un assouplissement des quotas de diffusion (40% d’oeuvres françaises). Que leur répondez-vous ?

Les quotas de diffusion musicaux à la radio sont fixés par la loi. C’est un problème réel, d’autant plus que les radios sur Internet ne sont pas soumises à ce genre d’obligations. Nous avons un dialogue très étroit avec la filière musicale afin de rechercher les changements à apporter à la réglementation pour soutenir la création musicale. Le CSA restera très ferme sur la valorisation de la production musicale française et la promotion des nouveaux talents.

12) Pour certains observateurs, en perdant le pouvoir de nommer les dirigeants de l’audiovisuel public le CSA a perdu sa principale prérogative. Qu’en pensez-vous ?

Voir dans ces nominations la principale prérogative du CSA, c’est méconnaître la diversité et l’étendue des responsabilités qui incombent aux membres du collège et à leurs 280 collaborateurs. Pour ce qui est des nominations, je rappelle que l’Etat est le seul actionnaire de France Télévisions. Le gouvernement fixe par décret son cahier des charges, et le Parlement vote chaque année la redevance et désormais les crédits compensant la suppression de la publicité. Il n’y a donc rien de choquant à ce que le législateur l’ait pris en compte pour le processus de nomination. Dans la nouvelle procédure, le CSA doit donner son accord à la nomination envisagée ; cela s’appelle de la codécision !


PROPOS RECUEILLIS PAR DAVID BARROUX, NATHALIE SILBERT ET EMMANUEL PAQUETTE

[readon1 url=”http://www.lesechos.fr”]Source: Les Echos[/readon1]

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