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televisions_senegalLe spectacle est désolant, pathétique, lamentable, à la limite indigne et presque révoltant. Il est allègrement servi par les médias audiovisuels qui se livrent actuellement une lutte acharnée de positionnement. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’après une ouverture désordonnée des espaces télévisuels, une telle situation était prévisible.

Un bref retour en arrière nous permettra de mieux comprendre. Le processus de libéralisation a connu une ébauche dès janvier 2001, lorsque le ministre de la Communication de l’époque lança une procédure d’appel d’offres en direction des promoteurs privés. Mais il y eut un revirement spectaculaire de l’Etat qui décida, au dernier moment, de tout annuler. La libéralisation se fera quand bien même dans un ordre dispersé, sans aucune planification. Ainsi, la première chaîne privée fut 2STV qui bénéficiait depuis 2003 d’un projet pilote avec la RTS sous le nom de RTS2S. Ensuite, ce fut Canal info (juillet 2006) dont les propriétaires avaient racheté le canal hertzien de Canal+ qui émet par satellite depuis décembre 2005. Novembre 2006, apparaissait la Radio Dunyaa Vision (RDV) qui aurait obtenu son autorisation bien avant 2000. Quant au groupe Walfadjri, son responsable avait d’abord bousculé les conventions en lançant en décembre 2006 Walf-TV, une télévision à péage via satellite avant d’obtenir finalement une fréquence sur le réseau hertzien sénégalais en septembre 2007. La dernière venue est la SN2, née sur les flancs de la chaîne nationale (RTS). Comme pour les radios privées pionnières à leur naissance, ces chaînes de télévision ont une zone de diffusion se limitant essentiellement à la région dakaroise. Elles traversent également une période test propice aux doutes et aux maladresses dus à leur expérience encore limitée.

Cela se ressent particulièrement sur le plan technique avec un léger décalage entre l’image et le son, des interférences -sources de brouillages entre stations-, des interruptions inattendues et momentanées de programmes etc. Enfantées dans la douleur, leur simple existence ferait presque oublier ces petits couacs. Avec le temps, elles apprendront à se bonifier et ces difficultés vont sans doute s’amenuiser progressivement. Leur présence ne peut être que positive car grâce à leur réactivité et à une prise en compte effective des attentes des téléspectateurs, ces télévisions peuvent être pourvoyeuses d’avancées démocratiques, notamment sur le plan de la liberté d’expression.

Néanmoins, pour un meilleur cadre d’émission et de diffusion, il aurait fallu au préalable quelques mesures d’accompagnement. Aujourd’hui, c’est incontestablement sur le plan de la concurrence qu’il est urgent de faire quelque chose parce que chaque chaîne veut se positionner comme la chaîne leader. On se rappelle par exemple que les responsables de Canal Info et 2STV s’étaient plaints lorsque la RTS leur a refusé le signal pour la retransmission de la cérémonie de prestation de serment d’Abdoulaye WADE après sa victoire à la présidentielle de février 2007. La RTS avait imposé une règle que ses concurrents n’avaient pas accepté : « qui veut reprendre son signal, reprend son logo ». Il y a un peu plus d’un mois, la même chaîne a mis son véto à la retransmission du défilé du 4 avril que voulait diffuser Walf TV. Le Directeur de la télévision nationale parlait de risques d’interférence et de l’exclusivité dont sa chaîne serait détentrice pour la couverture de l’événement. Quant à celui de Walf TV, il n’a pas encore fini de crier au scandale parlant d’une concurrence déloyale.

Le dernier épisode en date est le différend ayant opposé RDV à Walf TV sur la diffusion, par les deux chaînes, de la très célèbre série américaine « Prison Break ». En première instance, le tribunal avait donné raison à RDV en sommant Walf TV d’arrêter une diffusion jugée illégale tout en l’ordonnant de verser à RDV 1 million de FCFA pour chaque épisode diffusé. Le groupe Walf avait naturellement fait appel que la justice a rejeté en ordonnant le paiement de 25 millions de francs à RDV ou la saisie du matériel de Walf TV. Les suites de cette affaire ont fait les titres des journaux la semaine dernière car un huissier accompagné des éléments du Groupement mobile d’intervention (GMI), et de techniciens avaient fait une descente musclée dans les locaux de Walf TV, le lundi 5 mai. A en croire les responsables de la chaîne ils auraient « complètement bousillé le matériel de la télévision ». Dans un communiqué, le groupe de presse parle d’un « acte de banditisme » informant que la somme due aurait été immédiatement payée.

Le paysage audiovisuel sénégalais est devenu le théâtre d’affrontements entre des acteurs qui s’entredéchirent parfois au mépris de toutes règles et certains profitent même des failles du système de régulation. Cette nouvelle configuration présente des défis qu’il faudrait prendre en compte. Le texte portant création du CNRA promulgué en janvier 2007 avait anticipé en intégrant les nouvelles chaînes dans le champ de compétence de l’instance de régulation. L’une des missions primordiales de la structure est de veiller à une concurrence saine dans un cadre libre. Mais la réalité, c’est que l’instance n’a pas de pouvoirs majeurs pour la surveillance d’un secteur dont elle semble ne peut pas avoir une totale maîtrise. Il y a un vide juridique et des zones d’ombre qui échappent à la réglementation de l’audiovisuel. Face au déchirement (lié à la course vers la concurrence) entre ces chaînes et aux écarts qui pourraient en découler, l’existence d’un organe efficace ayant une veille sur la programmation des émissions est plus qu’une nécessité. Le paysage audiovisuel sénégalais a besoin de cet arbitrage avant que cela ne devienne la jungle et l’anarchie.

[readon1 url=”http://www.lagazette.sn”]Source : La Gazette[/readon1]

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