Février 2009, Netexplorateur, un forum qui récompense chaque année les dix pionniers « des innovations mondiales les plus prometteuses en matière d’usages numériques », décerne son grand prix à Wizzit, une banque mobile sud-africaine. Le trophée est remis à Brian Richardson, le fondateur de cette entreprise. Son mérite ? Avoir créé un concept de banque à moindre coût uniquement accessible depuis les téléphones mobiles. Concrètement, Wizzit propose, via les téléphones cellulaires, une série de services bancaires : transferts, retraits, paiements de factures, communications prépayées… aux Sud-africains qui n’y ont pas accès.
A l’origine de l’entreprise de M. Richardson, une observation : « dans certaines zones rurales [en Afrique du Sud], les mobiles sont plus nombreux que les prises électriques », raconte-t-il. Au même moment, les personnes ayant accès à un service bancaire, dans ces zones, est infime. Cette situation, loin d’être une particularité sud-africaine, est générale dans toute l’Afrique, notamment dans sa partie subsaharienne. Selon certaines statistiques, fin 2008, 270 millions d’Africains sur près d’un milliard possédaient un téléphone portable et cette proportion devrait presque doubler à l’horizon 2013. En Afrique subsaharienne, moins de 10% de la population a un téléphone portable et cette proportion connaît d’année en année une progression galopante. Le nombre d’abonnements mobiles chez l’opérateur Orange, par exemple, a progressé de plus de 40 % en 2007 en Afrique contre une hausse de de 28 % au niveau mondial.
Pénétration fulgurante de la téléphonie mobile et faible taux de bancarisation
Parallèlement, le nombre de personnes possédant un compte bancaire sur le continent reste le plus faible au monde. Les chiffres de la Banque mondiale indiquent que moins de 20 % des ménages ont accès aux services bancaires. Ce taux descend jusqu’en dessous de 5% dans certains pays. Entre la pénétration fulgurante du téléphone portable et le très faible taux de bancarisation en Afrique, les opérateurs télécom, comme Wizzit, ont découvert un créneau à fort potentiel et s’y sont engouffrés : les services bancaires et de microcrédit. Il prend le nom de Banque Mobile, Mobile Banking, Mbanking, M-payement, SMS Banking… Son principe est assez simple : via un SMS, le détenteur d’une carte SIM d’un opérateur peut envoyer et recevoir de l’argent, payer une facture, détenir un compte, obtenir un microcrédit…
Aucun opérateur ne veut rester en marge de ce marché porteur. Les annonces d’offres nouvelles en direction des clients africains deviennent légion. Né en Afrique australe dans les années 2000, le Mobile Banking atteind aujourd’hui les autres régions du continent. En mars, MTN, une autre compagnie sud-africaine et un des leaders de la téléphonie mobile, a annoncé le lancement en Côte d’Ivoire d’un service bancaire dénommé « MTN MobileMoney ». Celui-ci permet aux clients de régler des achats ou de vérifier le solde de leurs comptes par SMS. L’opérateur a indiqué que cette offre devrait s’étendre très prochainement à vingt autres pays d’Afrique de l’ouest et centrale. Tous les ténors du secteur proposent des services similaires. Parmi eux le français Orange, avec Orange Money, et le koweitien Zain. Ce dernier, alors qu’il s’appelait Celtel, a d’ailleurs été à l’origine de cette innovation, en 2002, avec le système Celpay, qu’il a lancé, en Zambie, avec le groupe financier sud-africain FirstRand International Limited. Celpay permettait alors au client de régler ses factures et aussi de transférer des fonds grâce à son téléphone cellulaire. Le succès a été immédiat. 2 % du PIB de la Zambie auraient même transité par ce mode de paiement en 2006.
Mise en place d’une plate-forme pour les pays de l’Uemoa
Au Kenya, Vodafone et Safaricom, deux autres pionniers en la matière, ont mis en place, avec la collaboration d’institutions financières, une plate-forme de m-payment qu’ils ont baptisée M-pesa. Celle-ci permet, en plus des services de transfert d’argent et de paiements classiques, d’assurer la distribution et le remboursement de prêts accordés par une institution de micro finance.
Cette forte expansion de la banque mobile en Afrique obligeant, le Groupement interbancaire monétique de l’Uemoa, GIM-Uemoa a décidé de mettre en place une plate-forme regroupant plusieurs opérateurs de la sous-région ouest-africaine et quelque 80 banques pour améliorer les services proposés aux clients et surtout pour mieux organiser et sécuriser le secteur. Ce projet, qui devrait se mettre en place courant 2009, se concrétisera par l’installation de bornes faisant office de distributeurs automatiques, a indiqué à Afrik.com Souley Maikarfi, le responsable informatique et monétique de Gim-Uemoa. Grâce à la technologie NFC, a expliqué M. Maikarfi, le client muni de son téléphone cellulaire pourra retirer de l’argent en espèce et en envoyer à l’aide d’un simple SMS.
Des innovations africaines qui gagnent l’Occident
« L’Afrique est le berceau [en matière de télécommunication] de services innovants qui pourraient être lancés demain en Europe. L’exemple le plus évocateur est celui du micro-paiement, un domaine dans lequel l’Afrique est à la pointe des nouveautés », écrivait, en 2008, des journalistes du quotidien économique français, Les Echos. Une étude réalisée, début 2009, par l’Association européenne de management et marketing financiers (Efma), auprès de clients et de dirigeants de banques en Europe, leur donne raison. Selon cette enquête, pour 88% des banquiers interrogés et 66% des clients, la gestion de compte se fera via le « mobile banking ». 80% des banquiers et 70% des clients affirment qu’ils effectueront leur paiement par le biais de leurs téléphones portables. Une autre preuve du succès de cette innovation venue d’Afrique est l’organisation depuis 2008 d’une rencontre mondiale consacrée la banque mobile. Dénommée Mobile Money Summit, sa deuxième édition se tiendra en Espagne, en juin de cette année.
[readon1 url=”http://www.afrikeco.com”]Source : afrikeco.com[/readon1]