Après la crise sociale de l’automne dernier, comment abordez-vous l’année 2010 ?
2010 doit être l’année du renouveau. Nous avons fait avec les organisations syndicales des avancées significatives vers un nouveau contrat social. Les 80.000 réponses au questionnaire Technologia et les 2.700 réunions avec les salariés dans le cadre des assises de la refondation nous ont permis de recueillir le ressenti de l’ensemble des salariés. Il y a déjà eu la signature de l’accord destiné à améliorer les conditions de travail des seniors et à aménager les fins de carrière. C’est important, car il faut que France Télécom se mette en position de faire face à de nombreux départs à la retraite au cours des prochaines années. Ils vont tripler jusqu’à atteindre de 6.000 à 7.000 salariés par an à partir de 2015. Il va nous falloir recruter massivement.
Comment pouvez-vous remotiver les troupes ?
La crise nous a tous choqués. Nous avons été heurtés par les actes désespérés de certains de nos salariés et c’est arrivé malheureusement encore très récemment. Chacun s’est interrogé sur sa manière de travailler, quelle que soit sa fonction au sein de l’entreprise. Mais nos équipes restent très mobilisées et les ventes de fin d’année ont atteint un niveau historique ! Pour autant, il nous faut changer profondément certains aspects de notre organisation. Nous sommes trop organisés aujourd’hui en silos, ce qui a fini par empêcher les différents métiers de se parler efficacement. Il faut revenir là-dessus. C’est pourquoi nous préparons avec Stéphane Richard, un grand projet pour l’entreprise, qui sera lancé mi-février.
Vous irez donc au bout de votre mandat, au printemps 2011 ?
Stéphane Richard et moi avons déjà eu l’occasion de nous exprimer à ce sujet. Le calendrier n’a pas vocation à être modifié. Je ne prends naturellement aucune décision d’avenir sans en discuter avec Stéphane Richard.
Quel est ce grand projet ?
D’abord, en ce qui concerne la méthode, il s’agit de s’adresser à l’ensemble des salariés du groupe, quel que soit leur métier ou leur pays. Quand le projet sera connu, nous laisserons les divisions opérationnelles décider de la façon dont elles souhaiteront le mettre en oeuvre sur le terrain. On ne peut pas donner les mêmes directives aux vendeurs en Arménie et à ceux en France. Ensuite, dans la pratique, il va falloir simplifier les offres et en réduire le nombre. Depuis les années 1980, France Télécom n’a presque jamais supprimé une offre. Cela surcharge les systèmes d’informations, qu’il faudra moderniser pour faciliter à la fois la vie du client et la vie de celui qui le sert. Cela sera un grand chantier. Il faut aussi que nous nous mettions en position de déployer les réseaux de nouvelle génération qui permettront d’augmenter le débit. La fibre optique arrive, mais pas seulement, le débit doit augmenter partout. Nous attendons encore le cadre juridique choisi par le gouvernement. Mais la France ne peut se permettre d’avoir un Internet des villes et un Internet des champs. Pour ce qui est de la fibre, notre objectif est que 45 agglomérations de province et Paris aient accès au très haut débit dès la fin 2012 et nous voulons que la fibre d’Orange soit présente dans tous les départements d’ici à fin 2015. Il va falloir enfin investir dans les réseaux mobiles pour accompagner la forte croissance de l’Internet mobile, comme LTE, la nouvelle technologie pour le très haut débit mobile.
Récemment, ATT et O2 ont reconnu que leur réseau saturait à cause de l’essor de l’Internet mobile… Et chez vous ?
Orange n’a pas eu ce problème car nous n’avons pas hésité à investir dans les infrastructures. Il le fallait, car nous avons vécu un véritable déferlement du haut débit mobile. En un an, la consommation de débit a été multipliée par 2,6 en France, 3,6 au Royaume-Uni, 3,2 en Belgique, 3,3 en Suisse, et même par 2 en Roumanie pourtant en récession. La consommation de bande passante devrait encore doubler cette année. La stratégie d’opérateur intégré, initiée en 2005, était la bonne. On se sert maintenant de son téléphone, et en particulier de son iPhone, comme si on avait un ordinateur portable dans sa poche. Ce sont notamment les grandes artères qu’il faut renforcer en technologies Internet pour éviter la saturation. Sur ce point, nous sommes en avance sur les autres. Et nous n’allons pas nous arrêter là.
Faut-il faire payer plus cher les gros consommateurs, comme le suggère ATT ?
Il nous faut avant tout être transparents vis-à-vis de tous les consommateurs. Nous réfléchissons par exemple à l’utilisation d’autres termes que le terme « illi mité » dans nos offres, y compris pour des forfaits de grosse consommation. Rendez-vous compte : à Noël, 77 % des téléphones vendus avec un forfait par Orange ont été des iPhone ! Je n’arrive pas à caractériser ce phénomène, à expliquer pourquoi tant d‘industriels courent derrière et n’arrivent à le rattraper. Je passe moi-même ma journée à me connecter à Internet sur mon iPhone. Pour l’instant, je ne connais pas de téléphone dont l’ergonomie pour l’Internet mobile soit aussi agréable.
Avec le succès de l’iPhone, ne craignez-vous pas d’être dépendants d’un seul mobile ?
Ce qui pose problème, c’est le « monopole » de l’iPhone. Pourquoi croyez-vous qu’on a fait l’Orange Application Shop et que l’on vend des « Google phones » ? En tout cas, nous ne sommes pas à la merci d’Apple.
Comment préparez-vous l’arrivée de Free Mobile ?
Les équipes d’Orange en France se préparent à l’arrivée de ce concurrent sérieux. Mais vous savez, la question de l’arrivée d’un cinquième opérateur en France – Virgin Mobile est en réalité le quatrième -renvoie en fait aux questions de qualité des réseaux.
Allez-vous continuer à vous renforcer dans les pays émergents ?
Dans les pays émergents, nous créons nous-mêmes de la valeur. Nous ne sommes pas des banquiers, mais des industriels. Regardez l’Egypte, c’est aujourd’hui l’un de nos plus gros pays avec environ 25 millions de clients. Nous ne prévoyons pas le rachat d’un gros opérateur coté. Mais nous allons continuer à nous développer en Afrique, au Vietnam…
PROPOS RECUEILLIS PAR DAVID BARROUX, GUILLAUME DE CALIGNON, JEAN-CHRISTOPHE FÉRAUD ET SOLVEIG GODELUCK, Les Echos
[readon1 url=”http://www.lesechos.fr”]Source : lesechos.fr[/readon1]