Les déploiements de la fibre optique dans les immeubles et jusqu’aux foyers (FTTH pour fiber to the home) vont-ils enfin s’accélérer en France ? Après moult débats et tergiversations entre les acteurs en présence, l’Arcep, le régulateur des télécoms vient de rendre sa copie et propose un cadre réglementaire visant à “libérer les investissements”.
Rappelons que si les déploiements horizontaux (en sous-sol) avancent assez vite, France Télécom est obligé de partager ses fourreaux techniques, les déploiements verticaux (dans les immeubles) piétinent.
Guerre des chapelles
Du coup, les abonnements peinent à décoller. Selon le dernier bilan de l’Arcep, le régulateur des télécoms, on comptait fin 2008 plus de 20 000 immeubles fibrés, soit 550.000 foyers éligibles mais seulement 170.000 abonnements dont 130.000 en FTTB (où la fibre s’arrête en bas de l’immeuble, le choix de Numericable). Le FTTH d’Orange, de Free et de SFR ne concerne donc que 40.000 abonnements…
Outre le ralentissement économique qui pèse sur les investissements des opérateurs, le contexte technologique et réglementaire plombe les déploiements. Différences de chapelles entre les acteurs (GPON pour Orange et SFR, Point à point pour Free), et surtout question de la mutualisation dans les immeubles ont retardé les investissements.
Après avoir consulté, l’Arcep a donc tranché pour un cadre réglementaire souple qui devrait permettre à tous de s’y retrouver. Schématiquement, lorsqu’un opérateur sera choisi pour déployer verticalement un immeuble, il devra déployer une fibre supplémentaire dédiée à un éventuel concurrent dans chaque appartement. Dans les zones denses (le cadre ne s’applique qu’à ces zones), la mutualisation se fera donc à l’intérieur des immeubles.
Il s’agit donc d’une modification de la loi LME (modernisation économique) qui prévoyait que le point de mutualisation soit situé en dehors des limites de la propriété privée.
Un opérateur alternatif, souhaitant être présent dans un immeuble déjà fibré, disposera donc d’une fibre supplémentaire par foyer afin de proposer simplement ses services, moyennant un préfinancement de son installation et un co-financement de l’investissement initial, soit un surcoût estimé à 5% des investissements par l’Arcep.
Fibre surnuméraire
“Cette solution de bons sens permettra d’autoriser la présence de plusieurs opérateurs par immeuble et de plusieurs technologies par immeuble”, souligne Jean Ludovic Silicani, président de l’Autorité.
En effet, avec ce dispositif, on s’affranchit des oppositions technologiques GPON contre point à point puisque la mutualisation proposée est agnostique technologiquement, poursuit l’Arcep. “L’Autorité ne cherche pas à imposer telle ou telle technologie, mais au contraire à favoriser leur coexistence, ce qui constitue un gage d’innovation et de concurrence pour le marché encore naissant du très haut débit.”
“Nous allons enclencher une dynamique dont la rythme de croisière devrait s’observer en 2010”, précise Jean Ludovic Silicani.
Ce cadre réglementaire constitue une victoire pour Free. France Télécom souhaitait en effet que l’opérateur d’immeuble choisi par le syndic ne tire qu’une seule fibre par foyer (mono-fibre). Les alternatifs devaient ensuite, s’ils le souhaitaient, fibrer à leurs frais pour connecter leurs propres clients, depuis le point de mutualisation situé au bas des immeubles.
Un nouveau risque de monopole était alors pointé du doigt par les alternatifs et les associations (difficile en effet de refaire des travaux dans un même immeuble).
Free de son côté plaide pour le multi-fibres qui permet en quelque sorte de ‘pré-installer’ la fibre de la concurrence. Même si l’Arcep précise que “ce dispositif n’impose pas de norme multi-fibres, mais rend possible l’exercice de son option”, Free (mais aussi SFR) pourront donc profiter des déploiements plus rapides de France Télécom (qui dispose de moyens bien supérieurs à ses concurrents), moyennant participation financière.
“Du point de vue des consommateurs, la pose de fibres surnuméraires permet de changer plus facilement d’opérateur (sans perte de service) et de souscrire à des services de différents opérateurs. Pour les copropriétés et les habitants, cette option devrait limiter à terme les interventions des opérateurs, en particulier au niveau des points de mutualisation situés dans les immeubles”, souligne encore l’Arcep.
Un avis qui n’est pas vraiment partagé par France Télécom : “Cette solution permet en effet d’optimiser le coût économique global de l’infrastructure, le surcoût des solutions alternatives pouvant atteindre 40 %, sans aucun service ou débit supplémentaire”, écrivait vendredi, dans une tribune publiée par Le Figaro, son président Didier Lombard. “Investir plusieurs fibres par foyer au lieu d’une priverait de la fibre plus de 5 millions de foyers”, menaçait-il.
Free jubile, France Télécom menace
Interrogé par l’AFP, le directeur général d’Iliad, la maison-mère de Free, Maxime Lombardini, a aussitôt estimé que la décision de l’Arcep était “une bonne nouvelle pour le déploiement de la fibre et pour le maintien de la concurrence. C’est le bon sens qui l’emporte”.
Et de poursuivre : “Pour les copropriétés, le cadre maintenant est clair”. Le dg appelle également les syndics à “refuser de signer avec un opérateur qui ne s’engagerait pas dès maintenant à appliquer le principe de la fibre surnuméraire”.
Enfin, SFR qui au départ était plutôt partisan du modèle mono-fibre de France Télécom semble aujourd’hui pencher du côté du modèle multi-fibres de Free qui finalement a été préféré par l’Arcep. Un changement de position qui tombe à pic.
Il faut enfin noter que ce cadre réglementaire ne concerne que les zones très denses (soit 5 millions de foyers) et qu’il doit être validé au niveau européen. Sa mise en oeuvre devrait intervenir avant la fin de l’année, selon l’Arcep.
Pour les zones moins denses, un autre cadre réglementaire sera proposé vers la fin de l’année.
[readon1 url=”http://www.zdnet.fr”]Source : ZDNet.fr[/readon1]