Après la décision du régulateur d’autoriser plusieurs fibres optiques par logement, l’opérateur historique juge que son « business plan » est remis en question. Le bras de fer avec les autorités a commencé.
La réponse de France Télécom ne s’est pas fait attendre. La semaine dernière, les dirigeants de l’opérateur historique ont rencontré ceux de l’Autorité de régulation des télécoms (Arcep) pour leur dire tout le mal qu’ils pensent du cadre juridique dans lequel la fibre optique devra être déployée par les opérateurs en France pour connecter les Français à l’Internet très haut débit. Mécontents des arbitrages du gendarme des télécoms, les représentants de l’opérateur historique ont, selon nos informations, carrément annoncé leur intention de suspendre leurs investissements dans la fibre optique… Le bras de fer avec les autorités – régulateur et gouvernement – a donc commencé. Avec un enjeu financier important : la couverture de trois millions de foyers représente un investissement de 3 à 4 milliards d’euros. Résultat, si France Télécom n’investit pas, l’objectif du gouvernement de connecter 4 millions de foyers à l’Internet très haut débit en 2012 a peu de chances d’être atteint.
C’est la décision de l’Arcep du 22 juin dernier qui a mis le feu aux poudres. Le gendarme du secteur a en effet autorisé les opérateurs à demander à celui qui installera des infrastructures dans un immeuble de poser des fibres optiques pour ses concurrents, au maximum quatre par foyer. Les opérateurs devront financer l’installation de « leur » fibre, mais France Télécom n’en a cure. Didier Lombard, le PDG de France Télécom, a, lui, toujours milité pour l’installation d’une seule fibre optique par foyer, que les opérateurs pourraient partager. Il estime le surcoût de l’installation d’une fibre pour chaque opérateur à environ 40 % par rapport à la solution qu’il préconise, alors que l’Arcep le chiffre à seulement 5 %. D’où la réaction passablement énervée des dirigeants de France Télécom après les annonces du régulateur.
Coup de bluff ?
« Installer plusieurs fibres par logement remet en cause totalement notre «business plan» », explique-t-on chez l’opérateur historique. « Nous sommes donc contraints de suspendre nos investissements dans les nouveaux immeubles. » Concrètement, France Télécom s’apprête même « à dénoncer les conventions signées avec les syndics lorsque les travaux n’ont pas commencé ». Didier Lombard a toujours indiqué que les conditions économiques devaient être « raisonnables » pour qu’il investisse. Traduction : si les règles du jeu n’assurent pas un retour sur investissement acceptable, alors l’opérateur historique n’investira pas. De toute façon, ce sont les actionnaires et administrateurs de France Télécom qui auront le dernier mot.
Cette position pourrait toutefois n’être que temporaire. « Investir dans la fibre optique, c’est pour vingt-cinq ans », souligne un concurrent, qui juge peu crédible la position de France Télécom à terme. « C’est du bluff », pense un autre. Opinion visiblement partagée par le président de l’Arcep, Jean-Ludovic Silicani, qui indiquait le 23 juin dernier aux « Echos » que « l’intérêt de France Télécom est aussi d’investir dans la fibre : il a déjà tiré des fibres près des immeubles desservant potentiellement plusieurs millions de foyers. Dès lors, quand l’opérateur historique affirme qu’il pourrait ne pas investir dans un réseau de très haut débit, contrairement à SFR et à Free, cela me paraît plus relever d’une position tactique que d’un choix stratégique ».