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afrique_internet_telecom_wwwL’Afrique est encore enclavée numériquement. Le développement des liens permettant d’offrir l’accès à l’internet haut débit est un enjeu clé notamment pour le développement du continent d’un point de vue économique et afin de favoriser les investissements internationaux. C’est un enjeu essentiel des prochaines années

 

L’internet haut débit fixe est peu développé en Afrique. Il s’agit même du continent le plus en retard dans ce domaine. Le fossé numérique est majeur. L’Afrique représente moins de 5 % des utilisateurs Internet dans le monde. A l’intérieur du continent, le développement de l’Internet est très inégal. La majorité des pays africains compte un très faible nombre d’usagers Internet. La moitié de ces usagers de l’Internet fixe se trouve en Afrique du Sud, dont la population compte pour 5% de la population totale de l’Afrique.

Le secteur de l’Internet Haut Débit en Afrique est ainsi encore très peu développé du fait notamment de 2 raisons structurelles :
• Le nombre très limité de lignes de cuivre (celles existant sont d’assez mauvaise qualité, ce qui limite fortement les capacités d’ADSL) et qui sont de plus en plus banalisés par rapport au succès du mobile y compris 3G (permettant l’accès internet mobile haut débit)
• Le coût très important des accès internet dû aux capacités très limitées des connexions à l’international (câbles et satellite), et ce notamment dans les pays enclavés qui n’ont pas accès aux câbles sous-marins ou qui ne sont pas connectés aux pays qui y ont accès et qui sont donc limités aux connexions satellites de faible capacité et très chères

L’enjeu des réseaux fixes hauts-débits est un axe clé de développement en Afrique. Pourtant cet investissement est loin d’être évident. Certes, l’objectif de développement des infrastructures est présent dans tous les traités portant création des Communautés Économique Régionales. Ces Communautés reconnaissent en effet la nécessité de créer des infrastructures fiables, efficientes et respectueuses de l’environnement, capables de répondre aux impératifs économiques et de fournir des services sociaux de base. Cependant, malgré les aides et le soutien de nombreuses institutions afin de moderniser les réseaux fixes RTC, ceux-ci ne couvrent pas de façon homogène le territoire des pays africains. Le succès avéré de la téléphonie mobile est par ailleurs un facteur de non incitation à l’investissement supplémentaire dans les infrastructures fixes (lire à ce sujet Chéneau-Loquay, Annie, Les impacts de la téléphonie mobile sur le développement : un constat à nuancer ?, Secteur privé et développement, p.17-19, novembre 2009). Par ailleurs, si chaque pays possède un segment international du réseau comportant au moins un commutateur pour le transit international et des stations terrestres de communication par satellite, les pays ne bénéficient pas tous de points d’atterrissement ou de connexion aux réseaux par câbles sous-marins en fibre optique pour accéder à des capacités internationales de qualité suffisante à un prix abordable. En l’absence de mise en œuvre effective de cadre réglementaire pour l’interconnexion et l’accès et malgré les cadres de coopération proposés par l’UIT, l’UAT et les CER/OIG, l’interconnexion des réseaux, pour des liaisons intra et inter pays africains, peine à se concrétiser. Lorsqu’elle existe, cette interconnexion souffre d’une mauvaise qualité de service. Ainsi, une grande partie du trafic entre le pays africains transite par des voies extérieures au continent, ce qui aboutit à des frais de transit énormes et à des pertes de devises. Dans ce contexte, les écarts dans le développement des services large bande et d’Internet continuent de se creuser considérablement.

Les nœuds d’accès national au réseau Internet global sont généralement liés aux points d’échange Internet (IXP) appartenant aux opérateurs internationaux principaux basés essentiellement aux Etats-Unis, en Europe et en Asie. En conséquence, à l’exception de quelques pays, qui disposent d’IXP national, il est pratiquement impossible, dans la plupart des cas, de mettre en place une communication nationale ou interafricaine d’Internet sans passer par l’étranger. Ainsi, l’Afrique consacre entre 400 et 600 millions de dollars par an aux frais de transit du trafic local. Selon les régions, le sous-équipement général est variable. Le cas de l’Afrique central est en cela particulièrement inquiétant. Faisons un focus sur cette région. La télé-densité moyenne dans cette région est de 0,25 ligne principale fixe, 13,25 abonnés au mobile soit 14.5 pour l’ensemble lignes fixes et mobiles pour 100 habitants. Les moyennes des indicateurs clés pour cette région sont très faibles, comparées aux moyennes continentales. Le Cameroun et la République Démocratique du Congo (RDC) représentent 78.3% des lignes fixes et mobiles de la région. En RDC, les abonnés au service de téléphonie mobile comptent pour 99.7% de l’ensemble des services fixes et mobiles de tout le pays. La RDC est également l’un des onze pays africains ayant un point d’échange Internet. La région de l’Afrique centrale se sert actuellement essentiellement d’une infrastructure satellitaire coûteuse, de mauvaise qualité. A l’international, les tarifs pour la bande passante oscillent entre 7 000 et 10 000 $ par mois pour les pays enclavés, alors que les acheteurs en volume dans les pays bien connectés à Internet (utilisant des dorsales en fibre optique) comme l’Afrique du Sud pourraient acheter la bande passante internationale à moins de 100 $ par Mbits par mois.
Le développement des câbles sous-marins financés internationalement (Banque Mondiale, opérateurs privés, etc.) sont un moyen de désenclaver l’Afrique. Pour continuer sur l’exemple de l’Afrique Centrale, en sus du câble sous-marin SAT3/SAFE/WASC, des projets de construction de nouveaux câbles sous-marins, vont permettre de mieux connecter certains Etats côtiers d’Afrique centrale, Est comme Ouest, au réseau mondial de l’Internet. Ainsi, le projet ACE (« Africa Coast to Europe »), d’une longueur de 12.000 km, relie le Gabon à la France et dessert 17 Etats de la côte Ouest africaine en capacités internationales, dont le Cameroun et le Nigeria. Une extension jusqu’en Afrique du Sud est également étudiée. Son efficacité dépend toutefois des tarifs d’accès et de transit. La côte Est-africaine bénéficie de plusieurs câbles éléments clés de ce désenclavement :
– le câble sous-marin EASSY dessert la côte Est de l’Afrique et relie l’Afrique du Sud, avec des interconnections avec le câble SAFE, au Soudan, et le câble Sea-Me-We 3 permettant de desservir 13 Etats. Pour Nairobi et Johannesburg le principe est celui de liaison aux stations d’atterrissement par des liaisons optiques internes.
– Le TEAMS (« The East African Marime System ») kenyan a pour vocation à relier les Emirats Arabes Unis au Kenya. Par ailleurs, la bretelle WASC a pour objet de raccorder le Nigéria afin d’introduire une certaine contestabilité à l’accès aux capacités de SAT 3.

Ces câbles, le développement de la fibre, constituent un enjeu pour l’Afrique afin de développer les réseaux internet. L’accès à l’internet filaire est important pour plusieurs raisons majeures soutenant le développement du continent

Les études économiques ont montré que le développement d’Internet fixe était un facteur soutenant la croissance. Un constat similaire est fait pour les mobiles qui impactent la vie des citoyens. Concernant l’accès à des réseaux haut débits et notamment fixes ce sont les entreprises et les administrations en Afrique qui sont impactées en premier (les individus utilisent l’accès mobile pour Internet). Les réseaux hauts débits contribuent à la croissance en Afrique car ils favorisent l’investissement des entreprises internationales. Quand un groupe international s’installe dans un pays la qualité des infrastructures en réseaux (fibre, adsl, etc.) est un facteur clé de décision. Les zones enclavées attirent peu. Le développement du secteur des télécoms influe à son tour sur le niveau de ces investissements. Le déploiement d’infrastructures télécom encourage les investisseurs étrangers qui, par effet de ricochet, incitent les investisseurs locaux. L’étude de Reynolds (Reynolds, R., Kenny C., Liu J., Zhen-Wei Qiang, C. “Networking for foreign direct investment: the telecommunications industry and its effect on investment”, Information Economics and Policy Vol 16, 2004, p.159-164), a démontré qu’il existait une corrélation entre les investissements directs étrangers (Foreign Direct Investment (FDI)) et la pénétration des TICs. Il a remarqué que la qualité de l’infrastructure télécom était étroitement lié au PIB et pouvait par conséquent impacter les investissements étrangers directs. L’étude de Williams (Williams, Mark, Lydon, Reamonn, Houpis, George, Frontier Economics, “Mobile networks and Foreign Direct Investment in developing countries”, Africa: The impact of mobile phones, The Vodafone Policy Paper Series, number 2, 2005, p.24-40), a permis de confirmer l’existence d’une relation significative
• entre la pénétration du réseau fixe (mobile exclus) et les FDI : une augmentation de 1% du taux de pénétration du fixe engendre 1 à 1,3% d’augmentation de la moyenne des FDI
• entre la pénétration du mobile (fixe exclus) et les FDI : une augmentation de 1% du taux de pénétration du mobile engendre 0,5 à 0,6% d’augmentation du rapport FDI/PIB
L’impact de la pénétration des réseaux fixes haut débits est plus fort sur les FDI parce que cet indicateur reflète probablement, la qualité d’infrastructure non-télécom du pays (en particulier dans le domaine du transport). Les réseaux fixes permettent le développement des activités B2B et donc par effet de ricochet, la création d’emplois. Le développement des câbles et des fibres est donc clé pour faire permettre à des régions entières de bénéficier des investissements internationaux.

Par ailleurs, si l’accès à l’internet mobile va surement pour le grand public devenir la règle, il ne faut pas penser que le recours aux réseaux mobiles hauts débits sera la seule solution. En effet, d’une part les réseaux mobiles 3G vont encore mettre des années à se développer, ils auront un coût élevé pour le consommateur plus qu’un accès internet haut débit par la fibre. Ils nécessitent un terminal de communication (smartphone) au prix élevé. Les éléments qui permettent l’accès à Internet sur smartphone (taille de l’écran, logiciel) sont en effet ceux qui coutent chers dans le terminal. A contrario, dans certaines régions l’accès à internet sur PC via réseau fixe peut économiquement être plus intéressant (notamment avec le développement des OLPC) et servir dans des zones où le réseau mobile est techniquement et économiquement non viable.

Nous sommes convaincus que dans le domaine de l’Internet, l’Afrique va connaitre le même « saut quantique » que dans la voix avec le développement accéléré de l’internet mobile. Cependant le désenclavement des régions grâce à l’internet fixe haut débit demeure aussi un enjeu pour les états et les bailleurs internationaux afin de soutenir le développement économique et social des pays africains.

Jean-Michel Huet, Directeur Associé
BearingPoint

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