A l’occasion de la conférence de presse du 25 mars organisée par l’association des services Internet communautaires (Asic), la question de la neutralité du Net sur les réseaux mobiles a également été abordée par les participants.
Ce débat fait sens compte tenu du développement croissant de l’usage de l’Internet sur les téléphones mobiles. En outre, contrairement à l’Internet classique en ADSL (ou en fibre), l’Internet mobile comporte un certain nombre de restrictions pour les utilisateurs en raison des barrières mises en place par les opérateurs, tous par ailleurs également FAI et donc impliqués dans le débat actuel autour de la neutralité.
L’internet sur mobile : un usage très encadré
Les fournisseurs de services en ligne encouragent donc le régulateur à s’intéresser également à l’application du principe de neutralité dans l’Internet mobile. Mais comme l’a rappelé le président de l’Asic et directeur juridique de Dailymotion, Giuseppe de Martino, le concept de neutralité est déclinable à d’autres terminaux.
« L’avenir de la distribution télévisuelle passe notamment par les télés embarquées, ces widgets proposant des services indépendants des chaînes de télévision. Nous avons le sentiment que le débat sur la net neutralité va progressivement être rejoint par celui sur la télé neutralité : quels types de services vont nous être fournis par les constructeurs ? Sur quelles bases vont se faire ces choix ? Quelle sera l’assurance pour des acteurs locaux par exemple d’être présents sur des widgets fournis par des constructeurs globaux ? On est encore au tout début de ce questionnement. Sur le mobile, en revanche le débat est lui déjà bien réel. »
Jean-Jacques Sahel, responsable des affaires gouvernementales et réglementaires chez Skype n’a d’ailleurs pas mâché ses mots sur cette question de la neutralité dans l’Internet mobile.
« Nous avons un peu l’impression de revenir en arrière, à l’époque du Minitel, à l’ère des bouquets câble surdimensionnés où il faut payer 30 euros pour le service de base, puis 10 euros pour faire de la vidéo, etc […] Nous craignons vraiment ce retour en Europe à une ère du Minitel […] Aux Etats-Unis, un utilisateur mobile peut utiliser Skype chez n’importe quel opérateur. En France, on ne peut pas utiliser la VoIP, le P2P, les newsgroups […] Ce qu’on voit actuellement, c’est de la discrimination totalement arbitraire »
La congestion : un argument invoqué avant tout par les opérateurs offrant aussi des contenus
Jean-Jacques Sahel préconise donc que dans la transposition en droit français du Paquet Télécom, le gouvernement et l’Arcep suivent les recommandations de la Commission européenne et garantissent la neutralité du net. Pour les utilisateurs et consommateurs de la téléphonie mobile, le respect du principe de neutralité doit leur permettre d’accéder aux services, contenus et applications de leur choix, sans entrave.
« La neutralité ne va pas à l’encontre des intérêts des opérateurs. La raison pour laquelle n’importe qui paie chaque mois un abonnement, ce n’est pas pour avoir un câble, une fibre ou une antenne satellite à la maison, mais afin d’accéder à des sites et services sur Internet. C’est grâce à des gens comme nous que les opérateurs gagnent de l’argent » a martelé le représentant de Skype en Europe.
Edouard Barreiro de l’UFC Que-Choisir a lui aussi exprimé son mécontentement à l’égard de certaines spécificités de l’Internet mobile, en particulier la segmentation des offres, selon lui illisibles pour le consommateur.
« Il y a un problème de rareté des fréquences et d’investissement pour pouvoir absorber la charge de tous les services qu’offre Internet. Le raisonnement de l’UFC-Que-Choisir n’est pas d’imposer aux opérateurs de libérer la bande passante et de tout offrir, mais de leur dire que si ce que vous offrez n’est pas de l’Internet, cessez d’appeler cela des offres Internet. Globalement s’il n’y a pas de VoIP, de P2P, etc… ce n’est pas de l’Internet. Vous flouez le consommateur et galvaudez le terme même d’Internet. »
L’intégration croissante : cause première du débat sur la neutralité ?
Sur la question de la neutralité, le chargé de mission de l’association de consommateurs souhaite que deux conditions supplémentaires soient ajoutées : la non-discrimination et l’obligation de transparence.
« Nous ne voulons pas que des opérateurs très intégrés qui fournissent leurs propres contenus s’amusent à décréter qu’il y a un problème avec la vidéo, bride celle des autres mais pas la leur. Dans cette évolution de l’économie vers une forte intégration, on se rend bien compte que les acteurs qui poussent le plus cette question de la congestion des réseaux sont ceux qui ont des contenus. Si un opérateur veut faire de la priorisation ou bloquer une application, il doit prouver qu’il y a un réellement un problème » a-t-il argumenté.
Cette évolution structurelle de l’univers concurrentiel a été soulignée par le sénateur Bruno Retailleau, qui a par ailleurs témoigné de son attachement aux principes opérationnels de transparence et de non discrimination.
« L’intégration verticale a commencé médiatiquement avec le rapprochement entre AOL et Time Warner. Un certain nombre d’entre nous a pris conscience alors que l’intégration commençait à modifier la répartition de la chaîne de valeur […] Cette convergence n’a fait que s’affirmer depuis. On a vu des opérateurs aller sur des contenus ; des équipementiers développer des plates-formes de service… »
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