Véritable phénomène commercial et informatique qui gagne de plus en plus de terrain au Maroc, le télémarketing, via les centres d’appel, est venu à la rescousse de la relation entreprises / client. Téléphone et internet font vendre depuis quelques années des produits réservés avant aux magasins et grandes surfaces. L’avenir sera-t-il virtuel? Le Call Center est dans l’air du temps commercial depuis une dizaine d’années au Maroc, avec des centaines d’entreprises travaillant principalement pour des sociétés étrangères (télécoms, vente par correspondance…) siégeant pour la plupart à Casablanca et Rabat. Il est devenu l’outil marketing indispensable aux entreprises qui multiplient les contacts avec leurs clients. Pour le Maroc, c’est une véritable aubaine. Aujourd’hui et au bout de dix années d’activité, le secteur ce sont plus de vingt cinq mille postes d’emploi et pas moins de 250 entreprises spécialisées.
Le commerce à travers le téléphone
Le télémarketing est le marketing ou la vente par téléphone d’un produit ou d’un service. Les études de marché définissent le concept comme un “ensemble à plusieurs composantes (ressources humaines, applications informatiques, technologiques, process) dont le but est de satisfaire une relation personnalisée avec le client (externe ou interne) dans la prospection, la vente, l’assistance, le support, la relance à travers le média téléphonique”.
La performance: gage de la réussite
Une bâtisse de quatre étages annonce la couleur. Le cadre est chaleureux, l’espace est ouvert et coloré, l’ambiance est jeune. Une vingtaine de télévendeurs s’exécutent, munis d’appareils d’écoute et d’ordinateurs. Les voix bourdonnent, indifférentes à la douce cacophonie ambiante, sous l’œil intransigeant de Mounia, dont la compétence lui a vite fait troquer le siège de téléopératrice contre celui de chef de groupe. Les différentes opérations se répartissent sur les quatre étages: un étage est réservé à la direction et les trois autres à la production. Access dispose de trois sites à Rabat, un à Kénitra et un à Paris. Il est l’un des premiers acteurs indépendants en solutions de télémarketing et d’enquête avec 8 années d’expérience et 500 collaborateurs.
Nous nous trouvons dans la salle de production. Des agents quittent les lieux, ayant honoré leur horaire de la journée, d’autres arrivent et se mettent sans tarder à la besogne. Chaque deux heures de travail sont ponctuées d’une pause de 10 minutes. La pause déjeuner est de 1 à 2 heures. Les heures de travail vont de 4 à 8 heures, selon la tranche horaire (plein ou mi-temps). Mounia s’occupe du monitoring. Elle assure le suivi et veille au bon déroulement de la production par le biais des écoutes à chaud (quand on écoute son interlocuteur en ligne) et à froid (quand l’écoute est faite sur enregistrement), la formation des nouveaux recrutés, le coaching et le debriefing, la montée en compétence des collaborateurs, l’envoi quotidien des reportings (bilans) et des bilans de production aux clients et aux supérieurs hiérarchiques.
Le centre d’appel est encore un mystère pour de nombreuses personnes. Seul le téléopérateur gagne en «visibilité» pour sa relation directe avec le client. Même à travers les médias c’est lui qui caractérise le call center. Il est en quelque sorte l’emblème du télémarketing. Il est soit téléconseiller soit télévendeur. Sa tâche consiste à émettre ou à recevoir des appels, en émission généralement: «Les téléopérateurs travaillent sur des fichiers qu’on appelle B to B (busines to busines) ou en B to C (avec les particuliers), nous explique Mounia. Ce sont soit des fichiers qui ciblent une clientèle précise ou dans le dur, autrement dit s’adresser à tout le monde (prospection). Un téléopérateur doit démarrer sa production le matin avec une bonne motivation et une grande implication. Il doit savoir gérer son stress pour ne pas le communiquer à son prospect. Il doit aussi toujours garder la bonne humeur -surtout que son outil de travail c’est sa voix- et doit avoir une écoute active pour ne négliger aucun détail de sa communication. Il doit traiter les objections ou les réclamations de son prospect, et surtout assurer une prestation de qualité».
Les missions de l’agent du télémarketing sont multiples. Il en existe quatre principales: L’émission d’appels: qui consiste en la prise de rendez-vous, réservations, fidélisation de clientèle, la réception d’appels, un service après vente, hot line, prise de commandes, numéro Vert, Azur, Indigo….
On trouve aussi les Enquêtes et sondages: études de marché, enquêtes de satisfaction, pré et post-test de campagne marketing. Il y a finalement les web calls qui se développent grâce à Internet: les internautes laissent un numéro de téléphone auquel ils souhaitent être rappelés (Web call back), ou peuvent entrer directement en relation avec un téléconseiller sans interrompre leur connexion. Le concept est encore rare au Maroc.
Splendeurs et misères…
Dans un secteur marqué par une rude concurrence, garder ses effectifs n’est pas une chose aisée. De ce fait, il existe des centres d’appels qui ont mis leurs ressources humaines dans les meilleures conditions, mais pas d’autres… Une grande partie des centres d’appel propose, justement, de réelles perspectives d’évolution de carrières, un système de rémunération basé sur le mérite, et divers avantages sociaux. Certains poussent la gâterie jusqu’à offrir une crèche et une salle de sport au profit de leurs employés. Ce qui permet à ces derniers d’être plus sereins et d’optimiser leur rendement.
En érigeant une crèche pour les enfants, un centre établi à Rabat veut soutenir son personnel féminin, comprenant une bonne part de jeunes mamans. La crèche de 44 places leur est d’un très utile secours pour concilier leur gestion du temps entre responsabilités familiales et professionnelles. A côté de cette infrastructure, une salle de sport, doublée d’un fitness, est mise à la disposition des employés. Sans oublier bien évidement la gratuité du transport. Serait-ce là le travail parfait? Même si les avis demeurent partagés, nous sommes réellement face à une gestion innovatrice dont les rendements ne peuvent être que certains.
Mais tout n’est pas rose partout. Si le telemarketing marocain a pu reconnaitre des talents et sauver de nombreux jeunes des griffes du chômage, il est aussi ponctué par des abus de la part d’employeurs peu scrupuleux. Fort heureusement, ces derniers ne constituent pas des masses. Un téléopérateur travaillant dans un centre à Casablanca nous a rapporté une réalité que les temples huppés gardent jalousement dans leurs coulisses. Il s’agit de l’abus de pouvoir et du harcèlement moral pour inciter les téléopérateurs à abandonner leur poste. Le centre qui le recrute est géré par un ressortissant étranger qui, à travers son épouse, comme nous l’a déclaré l’agent, multiplie les mises à pied non justifiées, les congés sans solde imposés, les injures et les rabaissements de salaire (il irait même jusqu’à soustraire les heures de travail et supprimer les primes de résultat et d’assiduité malgré les objectifs atteints et la compètence). La raison de ce genre de comportement résiderait dans la recherche mal intentionnées par certains “patrons” de se débarrasser des employés à temps pour échapper aux déclarations sociales, d’en recruter d’autres à bas coût et ainsi de suite.
Pourtant, selon certaines sources, les centres d’appels génèreraient annuellement 2 milliards de Dhs et sont donc commercialement rentables. Le choix du Maroc pour l’implantation de ces entreprises s’explique par une proximité géographique et culturelle par rapport à l’Europe, une main d’oeuvre jeune, qualifiée, disponible à faible coût et en quantité prête à s’investir dans ce secteur d’activité. Ce choix s’explique également par l’implication gouvernementale et la qualité des acteurs dans ce secteur d’activité.
Les centres d’appels sont soumis à la réglementation de l’ARNT (l’Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications), qui est un établissement public institué auprès du Premier Ministre, doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Les centres d’appels font ainsi partie des Services à Valeur Ajoutée (SVA), ils sont donc soumis au régime déclaratif, prévu par les articles 5 et 17 de la loi 24-96 tel qu’elle a été modifiée et complétée. Ce régime requiert le dépôt, auprès de l’ANRT, d’une déclaration d’intention d’ouverture de ces services. La liste des SVA est fixée par le décret 2-97-1024 du 27 chaoual 1418, tel qu’il a été modifié et complété par l’arrêté du Ministre de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies n° 618-08 du 05 rabii I 1429. Cette liste comporte la Messagerie Vocale, la Messagerie Electronique, l’Audiotex, l’Echange de Données Informatisées (EDI), le Service d’Accès aux Données, le Service d’Information On-line, la Télécopie Améliorée, le Transfert de Fichiers, la Conversion de Protocoles et de Codes, les Services Internet et récemment le Service dénommé «commercialisation des noms de domaine Internet “.ma”». Ces services doivent utiliser, sous forme de location, les capacités de liaison d’un ou de plusieurs réseaux publics de télécommunications existants, sauf si le fournisseur de ce service est titulaire d’une licence et désire utiliser les capacités de liaison du réseau objet de ladite licence.
La croissance se poursuit…
De nouvelles villes marocaines deviennent une destination prisée pour les centres d’appels: Marrakech, Fès, et bientôt Oujda. Au fait, la tendance de développement des centres d’appels au Maroc se poursuit depuis plus de cinq ans. En moyenne une vingtaine de nouveaux sites ouvrent par an. Par ailleurs, les éditeurs et les équipementiers des centres d’appels rivalisent avec des offres de plus en plus avantageuses, permettant aux centres d’appels d’améliorer davantage la qualité et la rentabilité des différents sites de production. Ainsi, les nouvelles offres en télécommunication vont bientôt placer le Maroc parmi les pays les plus compétitifs en coûts de télécommunications à l’échelle internationale.