Pas moins de trois proies attrapées en l’espace de quatre mois. Après le français Orange et l’indien Bharti Airtel, qui ont jeté leur dévolu sur Méditel et le groupe Zain (voir la carte), le russe VimpelCom vient de prendre le contrôle de l’égyptien Orascom.
Commentaire de Didier Pouillot, directeur d’études à l’Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe (Idate) : “Tous cherchent des relais de croissance. Or la Chine demeure fermée, l’Inde hyperconcurrentielle, et l’Amérique du Sud trop cadenassée. Reste l’Afrique.”
Le rôle des affinités et des rivalités
Deux stratégies de conquête s’affrontent. Si certains jouent les rouleaux compresseurs en déboursant plusieurs milliards, d’autres ont choisi la politique des petits pas.
C’est le cas du groupe français Vivendi, actionnaire majoritaire de Maroc Telecom depuis 2004. En se servant de cette base arrière comme tête de pont sur le continent, l’entreprise s’est attaquée à d’autres marchés : la Mauritanie, le Burkina Faso, le Gabon et le Mali.
“Certains pays ont des affinités fortes avec d’autres nations, ce qui simplifie ce genre de stratégie. Mais il existe également en Afrique des rivalités, liées à l’Histoire, qui peuvent jouer en sens inverse”, analyse Fatine Layt, présidente d’Oddo Corporate Finance, l’une des instigatrices du rapprochement entre Orange et Méditel.
Avec plus de 1 milliard d’habitants, dont la moitié est âgée de moins de 20 ans, l’Afrique affiche une croissance insolente dans la téléphonie mobile, 25 fois supérieure à celle de l’Europe de l’Ouest. Pourtant, cet eldorado a aussi ses contraintes.
La quasi-totalité des clients mobiles ne sont pas des abonnés mais disposent de cartes prépayées. “Les appels d’un opérateur vers un autre coûtent plus cher en Afrique que dans les pays occidentaux, explique Tariq Ashraf, consultant en télécoms.
Du coup, les utilisateurs ont plusieurs cartes SIM, voire plusieurs téléphones, et s’en servent en fonction des communications pour limiter leurs dépenses.”
De 13 euros par mois en Afrique du Sud à 2 euros en Ouganda, le montant des factures varie sensiblement d’un pays à l’autre, et ne dépasse pas 7 euros en moyenne sur le continent. C’est peu. Pourquoi se battre, alors, à coup de milliards pour quelques euros ?
4 Africains sur 10 n’ont pas de téléphone
L’explication tient, pour l’essentiel, en trois raisons. Déjà, comme le soulignait Naguib Sawiris, PDG de l’opérateur Orascom Telecom, les clients utilisent moins de capacité réseau (Internet…) que les Occidentaux ; du coup, les marges brutes dégagées sont plus importantes.
Ensuite, le potentiel de croissance est gigantesque. Plus de 4 Africains sur 10 ne possèdent pas encore de téléphone. Or, faute de disposer de bons réseaux filaires, la téléphonie mobile est bien souvent l’unique moyen de communiquer, et bientôt d’accéder à la Toile.
“En Afrique subsaharienne, moins de 0,1 % de la population peut se connecter. La 3G peut être la réponse”, estime Carole Manero, analyste à l’Idate.
Encore faut-il non seulement améliorer la couverture d’un territoire mais également faire évoluer les réseaux vers la 3G et l’Internet haut débit.
Les opérateurs sont donc tenus d’investir massivement. Fait assez nouveau, ils sont prêts à s’associer avec leurs concurrents. Ce système appelé network sharing (partage de réseau) permet de limiter les dépenses et de déployer plus rapidement une infrastructure sans peser sur les marges.
[readon1 url=”http://www.lexpress.fr”]Source :lexpress.fr[/readon1]