L’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) doit-elle céder une partie de ses prérogatives au Conseil de la concurrence ? La question a commencé à être posée par le Conseil de la concurrence dès qu’il a vu son statut se limiter à celui d’une instance qui n’est plus que consultative et qui ne peut même pas s’autosaisir dans le cadre de ses compétences élargies. Depuis quelques semaines, d’ailleurs, Abdelali Benamour, président du conseil, avait annoncé la couleur en saisissant au sujet des télécoms le Premier ministre et Ahmed Chami, celui de tutelle du secteur. Une initiative qui n’avait pas outre mesure fait réagir Azzeddine Mountassir Billah, le DG de l’ANRT qui, interrogé par La Vie éco, avait jugé la polémique inutile, ajoutant que la décision revenait aux politiques et que son rôle était de faire exécuter pour le compte de l’Etat des prérogatives légales octroyées à l’agence.
L’agence affirme avoir traité une vingtaine de saisines sans aucune protestation des opérateurs
C’était compter sans la publication, il y a quelques jours, d’une étude sur les télécoms commanditée par le Conseil de la concurrence, mettant implicitement en cause la neutralité de l’ANRT. Une étude, affirme M. Mountassir Billah, «injustement et même fallacieusement accusatrice vis-à-vis du régulateur».
Que dit la synthèse de l’étude ? D’entrée de jeu, elle relève que «des leviers de régulation de la concurrence ont été déployés par l’ANRT, mais ils n’ont pas tous permis d’atteindre l’objectif de la promotion de la concurrence». Puis, parmi les reproches à peine voilés adressés à l’Anrt, les rédacteurs de l’étude soutiennent que l’opérateur historique -en l’occurrence Maroc Telecom- a utilisé sa position dominante pour «retarder l’accès à ses infrastructures et a souvent imposé des conditions financières défavorables à ses concurrents». Ici, il est fait mention à l’inaction de l’agence qui n’aurait pas veillé au respect de ce qu’on appelle la co-localisation, par exemple. En effet, les instances internationales des télécoms préconisent que les nouveaux entrants peuvent utiliser les lieux déjà aménagés par l’opérateur historique, pour loger leurs équipements contre des redevances à négocier. Et au passage, l’étude explique que cela a empêché, par exemple, Méditel, dès le départ, de ne pas être dans la possibilité, soit de répliquer à certaines offres, soit d’être en mesure de faire preuve d’un esprit de combativité à armes égales dans la mesure où cela l’obligeait à investir davantage. De l’étude fusent aussi des reproches dans la manière de l’ANRT de gérer le calendrier des baisses d’interconnexion comme d’ailleurs aussi sur le fait de n’avoir envisagé l’asymétrie des prix d’interconnexion qu’en juillet 2010.
Sur ces premiers points, Azeddine Mountassir Billah a ses propres réponses: «Si l’agence a failli dans sa mission, comment expliquer que, sur les quelque vingt saisines reçues par l’agence et sur lesquelles nous avons statué, aucun opérateur n’a jugé avoir été défavorisé par nos décisions et n’ait fait appel à la justice. Et puis, la mutualisation des infrastructures n’a jamais été sujet d’un différend majeur».
Les chiffres utilisés dans l’étude jugés obsolètes
A l’ANRT, on explique que l’étude commanditée par le Conseil de la concurrence revêt un aspect qui est loin d’avoir une exactitude scientifique, manque cruellement de chiffres, et le peu d’éléments utilisés sont soit obsolètes, soit ne prennent en compte ni les promotions (dont certaines sont aujourd’hui permanentes) ni les bonus et encore moins les forfaits dans le postpayé alors que ces derniers en représentent 90%. Et, justement, l’ANRT produit ses chiffres à elle actualisés et qui mettent en meilleure situation le Maroc pour ce qui est des prix pratiqués mais aussi sur la position du Maroc en comparaison avec les pays de la région.
De manière générale, Azeddine Mountassir Billah, s’exprimant sur le moment de l’introduction de l’asymétrie des prix, affirme qu’une telle décision ne pouvait être prise que si elle apportait un souffle nouveau au marché sans porter préjudice aux opérateurs. Mais en attendant, le régulateur avait commencé par le calendrier des baisses de l’interconnexion de manière à faire des ajustements annoncés, sans que les opérateurs ne soient pris de court. Et, dit-il, «les leviers ont si bien joué que les prix ont, non seulement baissé, mais on a assisté à l’éclosion d’offres inédites comme l’élargissement des gratuités aux autres opérateurs, l’introduction d’internet et les numéros illimités inclus».
Là où le DG de l’ANRT voit noir c’est lorsqu’on évoque la phrase «assassine» de l’étude sur l’entente illicite entre opérateurs. En effet, l’étude relève qu’avec les différentes technologies utilisées, il est peu probable que les prix de revient d’une minute de communication soit les mêmes chez Maroc Telecom et Méditel. Et de conclure : «Dans ce cas, la similitude des évolutions de vente et de stabilité des parts peut être un signal d’entente pour contenir l’intensité de la concurrence». De là à suggérer qu’il y a une entente illicite sur les prix et une collusion entre opérateurs, sous l’œil indifférent du régulateur, le pas est vite franchi. M. Mountassir Billah rétorque sous la forme d’une interrogation : «Comment expliquer alors qu’en une année à peine, Inwi a pu séduire plus de 16,4 % du marché et que le taux de pénétration dépasse plus de 100 % avec plus de 33,5 millions de consommateurs ?» Le patron de l’ANRT ne comprend pas que «l’on puisse porter d’aussi graves accusations avec autant de légèreté». Dossier à suivre.
Mohamed El Maâroufi
[readon1 url=”http://www.lavieeco.com”]Source :lavieeco.com[/readon1]