L’arrivée de Free dans la téléphonie mobile, prévue début 2012, va peut-être se compliquer sérieusement. Les trois opérateurs actuels disposant d’un réseau -Orange, SFR et Bouygues Telecom -ont pour l’instant décidé de ne pas négocier avec le futur acteur l’utilisation de leur infrastructure 3G par Free. Seule l’itinérance en 2G est actuellement discutée avec la filiale du groupe Iliad.
Selon nos informations, Orange a refusé d’entrer en négociations avec Free sur la 3G, tout comme Bouygues Telecom. Frank Esser, le patron de SFR, l’a, lui, formellement déclaré dans une interview aux « Echos » le 12 mai : « Nous discutons uniquement d’une offre d’itinérance de ses abonnés en 2G, comme la loi nous y oblige. Pas en 3G. »
Cette impossibilité d’utiliser le réseau permettant de se connecter à Internet en mobilité pourrait nuire au démarrage de Free Mobile. Car, dans ces conditions, les clients du futur opérateur risquent de ne pas pouvoir utiliser leurs « smartphones » pour se connecter à Internet sur la majeure partie de l’Hexagone, lors de l’ouverture des services, attendue début 2012. En effet, dans les plans qu’il a communiqués au régulateur l’hiver dernier, Free a prévu que ses propres infrastructures 3G couvriront 69 % de la population en 2015 seulement. Car construire un réseau, poser des antennes dans tout le pays, prend du temps.
D’ici là, l’Autorité de régulation des communications électroniques (Arcep) a prévu une sécurité pour le quatrième opérateur mobile : dès que son réseau couvrira 25 % de la population, Free pourra exiger des opérateurs en place d’utiliser leurs infrastructures sur les 75 % de la population restante. Mais seulement en 2G. Les textes ne prévoient rien pour la 3G. D’où le refus des opérateurs de négocier sur ce point, ces derniers n’ayant pas vocation non plus à faire de cadeaux à Free.
Pour l’instant, ce n’est pas l’affolement chez le futur opérateur mobile. « La 3G, c’est plusieurs dizaines de millions d’euros de chiffre d’affaires par an pour l’opérateur hôte. C’est une recette non négligeable par les temps qui courent », veut croire un cadre de l’entreprise. Chez un opérateur, on fait remarquer que « la base d’abonnés ADSL de Free est principalement située dans les grandes agglomérations, qui seront couvertes dès 2012 par son réseau 3G », ce qui limiterait le risque pour l’entreprise. En outre, fin 2009, seuls 28 % des clients français utilisaient la 3G.
Deux possibilités
Cet opérateur qui a bâti sa réputation sur l’innovation a deux possibilités pour obtenir la 3G : soit il trouve un accord avec l’un des acteurs rapidement, soit le trublion de l’Internet choisit les voies contentieuses. Le plus probable est dans ce cas que Free saisisse d’abord l’Arcep, comme la loi l’y autorise. « Un nouvel entrant […] pourra entrer en négociation avec un acteur 3G/GSM sur lequel il aura porté son choix et aura la possibilité, en cas d’échec des négociations, de saisir l’Arcep en règlement de différend », prévoit le cahier des charges de la quatrième licence.
Si la 3G n’est pas incluse dans ce règlement de différend, le régulateur précise toutefois qu’il pourrait examiner « les contrats avec les opérateurs mobiles virtuels ». Or ces derniers, tels que Virgin Mobile ou NRJ Mobile, ont obtenu des opérateurs en place un droit d’utilisation des réseaux 3G. Il est possible que Free brandisse cet argument devant le régulateur. L’Autorité ajoute qu’elle est « consciente de la très forte dépendance du nouvel entrant à l’égard des conditions d’itinérance offertes. Elle veillera à ce que soient offertes des conditions de gros permettant à cet opérateur de faire une entrée pertinente sur le marché de détail. »
Bref, si, noir sur blanc, aucun texte n’oblige Orange, SFR et Bouygues Telecom à accueillir Free sur leur réseau 3G moyennant finance, peut-être que l’Arcep jugera que cette absence d’itinérance nuit à l’arrivée de Free sur le marché si elle doit se prononcer sur un litige… Sinon, Iliad pourrait aller devant l’Autorité de la concurrence, voire le Conseil d’Etat.
GUILLAUME DE CALIGNON
[readon1 url=”http://www.lesechos.fr”]Source :lesechos.fr[/readon1]