Orange joue les banquiers de l’Afrique
De son bureau qui donne sur la place de l’Indépendance de Dakar, Laurent Kiba, patron trentenaire d’Orange Money au Sénégal ne boude pas son plaisir. En un an, son équipe de onze personnes a gagné près de 500.000 clients et réalisé quelques millions d’euros de transactions. Un bon résultat pour le Sénégal, mais qui reste marginal à l’échelle d’un groupe comme France Télécom. Enveloppé dans son boubou traditionnel, Laurent Kiba livre les ressorts de sa croissance : “Moins de 10% des Sénégalais ont un compte en banque alors que 75% ont un mobile. Payer avec devient naturel”. Deux fois par mois, des vendeurs de rue, habillés de tee-shirts et casquettes de la marque, proposent des “super-promos” pour doubler ou tripler les crédits téléphoniques en payant avec le portable. Un bon moyen de capter des clients même s’ils peinent à utiliser le service du fait d’un réseau saturé. À chaque opération, Orange prélève 2% de commissions. Beaucoup de marketing, des prospectus distribués dans la rue, des spots radio, des pubs envoyées par SMS alertent la population. Des “mobile coaches” et des caravanes sillonnent le pays pour familiariser la population avec le produit. Et ça marche.
Bientôt des virements de salaire
Aujourd’hui, la moitié des clients téléphone et réalise des virements avec Orange. Dans le quartier populaire de Ouagou Niayes, à Dakar, la boutique Orange ne désemplit pas. Karim, client depuis un an, est ravi. “Mes parents habitent à 100 kilomètres de Dakar, à Touba. Tous les jours, je leur envoie 5.000 francs CFA (8 euros) pour les aider. Ça a changé beaucoup de choses pour eux”, explique-t-il. Finis les transports, le bus ou la poste, qui marchent très mal. Ces transferts d’argent sont une petite révolution au Sénégal, où Orange dispose de 1.200 points de vente. “Nous sommes dans toutes les régions, même les plus reculées. Nous jouons un vrai rôle social pour les gens”, reconnaît fièrement Ousmane Sarr, le responsable du réseau. Seul hic et de taille, l’expansion du système bute sur les retraits, qui sont limités par l’argent en caisse dans les boutiques Orange.
Les partenariats se multiplient
Pour y remédier, le groupe compte s’infiltrer encore plus dans la vie des Sénégalais. Fin 2011, des entreprises locales pourront verser les salaires avec Orange Money. Au bout du circuit marchand, le paiement chez les commerçants est clé. Les 70.000 clients de la chaîne de télévision privée Excaf peuvent déjà régler leurs abonnements avec leur mobile et ceux de Canal+ le pourront bientôt. Les partenariats vont se multiplier. L’opérateur négocie avec les sociétés nationales d’eau (SDE) et d’électricité (Sénélec). “Ça va changer la vie des Sénégalais, s’emballe Mamadou, un client dakarois. Chaque mois, on passe presque toute une journée à faire la queue pour payer nos factures”. Orange Money discute aussi avec des grandes enseignes comme Casino ou Total et équipe les taxis, les pharmacies ou les petits commerces en comptes électroniques. C’est le cas d’Ousmane Diallo. Sa supérette est en plein centre de Medina, le quartier commerçant de Dakar. À la rentrée, ses clients pourront le payer avec leur téléphone. Une aubaine pour lui : “Je gagnerai deux fois ! Une fois en vendant et une fois en prenant 2% de commissions sur chaque transaction”. Et l’assurance pour Orange, de faire enfin du volume.
La suite de l’aventure est écrite. Les petits crédits, les produits d’épargne et d’assurance arriveront l’année prochaine. D’ici là, la sécurisation des paiements devra être renforcée alors que les fraudes accompagnent le succès du service. Laurent Kiba rêve déjà de conquérir l’Europe : “Imaginez si tous les Africains qui sont là-bas pouvaient facilement envoyer de l’argent à leur famille…”
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