A peine les clameurs du scandale provoqué par l’affaire des 20 milliards de Francs CFA de commission distribués à des intermédiaires bien introduits dans les hautes sphères du pouvoir sont elles retombées qu’une nouvelle affaire met à nu, une fois de plus, l’opacité qui règne dans la gestion du secteur des TIC au Sénégal, notamment en ce qui concerne l’attribution des licences de télécommunications. En effet, suite au lancement en grande pompe par le Président de la république, M° Abdoulaye Wade, du réseau 3G d’Expresso, l’opinion publique a appris, suite aux protestations exprimés par les travailleurs de la Sonatel, que l’opérateur historique avait engagé des négociations avec l’Etat sénégalais en vue de l’attribution d’une licence 3G depuis décembre 2008 suite à l’expérimentation de la 3G réalisée par la Sonatel à l’occasion de la tenue du sommet de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) en mars 2008. Ces négociations avait débouché sur un accord de principe avec l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) dans le cadre duquel le prix de la licence avait été fixé à trois milliards de francs CFA, somme à laquelle devait s’ajouter 3% du chiffre d’affaires généré par la 3G mais elles ne furent jamais entérinées par le pouvoir politique sans que l’on sache véritablement pourquoi. Selon la version officielle servie aux représentants de l’Intersyndicale des travailleurs de la Sonatel et de l’Amicale des cadres de la Sonatel (ASCON), la non signature du projet de décret serait uniquement liée à des lenteurs administratives ! Inutile de dire que cette explication est aussi peu crédible que celles fournies dans le passé à l’occasion des différents scandales qui ont affecté le secteur des TIC qu’il s’agisse du retrait de la licence de téléphonie mobile attribuée à Sentel, des conditions d’attribution de la licence globale de télécommunications à Sudatel ou encore des commissions versées dans le cadre de l’attribution de la troisième licence, pour ne citer que les affaires les plus connues. Suite aux menaces de paralysie du secteur brandies par les travailleurs de la Sonatel, le processus s’est débloqué comme par enchantement et le Conseiller spécial du président de la République pour les Nouvelles technologies et la communication (NTIC) a promis que le décret attribuant une licence 3G à l’opérateur historique serait bientôt signé par le Président de la république sans pour autant que l’on ait entendu quelque réaction que ce soit de la part du ministère en charge des télécommunications, pourtant censé coordonner et suivre la politique en la matière, ni de l’ARTP légalement chargée de rédiger les conventions de concession et les cahiers des charges dans le cadre de l’attribution de licences de télécommunications conformément aux dispositions du Code des télécommunications du 27 décembre 2001. Après les fréquences de télévision allouées dans le plus grand secret et celles distribuées à l’occasion d’audience avec le Président de la république, voici donc arrivé le temps des licence de télécommunications attribuées suite à une audience avec un conseiller de la Présidence de la république ! Rien de très surprenant, diront certains, dans un secteur où l’étude des pratiques en vigueur montre que l’opacité est la règle et la transparence l’exception. Cependant, à l’heure où l’on parle avec insistance de la nécessité de mettre en place un tribunal économique « dans le cadre de la promotion de la bonne gouvernance et de la transparence » et de la répression « des crimes économiques », il serait grand temps que l’on en revienne à des pratiques un peu plus orthodoxes avec notamment des politiques prédictibles, des termes de références, des cahiers des charges et des calendriers connus de tous ainsi que des procédures de sélection objectives mises en œuvre de manière collégiale par des hommes et des femmes reconnus pour leurs compétences, leur indépendance d’esprit, leur attachement à la défense de l’intérêt général, leur honnêteté intellectuelle et morale et leur équidistance vis-à-vis des groupes de pression de toutes natures. Au-delà des questions d’éthique, c’est le prix à payer pour gagner la confiance des investisseurs nationaux comme étrangers et créer ainsi l’environnement favorable, qui fait actuellement défaut, pour impulser un fort développement du secteur des TIC impactant positivement l’ensemble de l’économie sénégalaise.