Imposée par le décret 2011-1271, qui prévoit la taxation et la régulation des appels internationaux, cette mesure répond à un double objectif : mieux superviser les appels internationaux afin de lutter contre la fraude, et imposer une taxe sur l’ensemble des appels entrants pour consolider les finances publiques. Si le premier volet de la législation a été approuvé par les opérateurs, le second a cependant suscité une vive opposition. En vertu du nouveau décret, les opérateurs se voient facturer 49.2 francs CFA (0.075 euro) par minute pour les appels vers des téléphones portables, soit une hausse de 53 % par rapport au tarif précédent, et 75.45 francs CFA (0.115 euro) pour les appels vers des téléphones fixes.
Les responsables du gouvernement espèrent ainsi générer 60 milliards de francs CFA (91.47 millions d’euros) de revenus annuels dans le secteur des télécommunications, qui représente actuellement 7 % environ du produit intérieur brut (PIB). Les fonds générés grâce à cette mesure devraient être investis dans des projets de construction de logements sociaux, des projets d’approvisionnement en eau et la mise en place de technologies de l’information et de la communication dans les zones rurales.
Cependant, pour ses détracteurs, la mesure se traduira par des pertes de clients et de profits. Sonatel, le principal opérateur de télécommunications du Sénégal, dans lequel l’État détient 27 % de participations, s’est fermement opposé à la mesure. Ses dirigeants craignent que les consommateurs se tournent désormais vers d’autres technologies pour éviter les tarifs élevés, notamment les programmes de voix sur IP (VOIP), tels que Skype.
Lors d’un entretien avec la presse internationale en septembre 2011, Mamadou Aidara Diop, membre du conseil d’administration de la Sonatel et secrétaire général du syndicat des travailleurs de la Sonatel, a estimé que la taxe représenterait pour le groupe un manque à gagner équivalant à 10 % du chiffre d’affaires annuel. D’après M. Diop, les appels internationaux représentent approximativement 70 % des revenus de la société. Lors de la mise en place d’une taxe similaire en mai 2010, le volume d’appels internationaux avait chuté d’environ 15 %. La mesure a été levée en novembre 2010 à la suite de grèves qui ont perturbé les services longue distance et les services de connexion Internet.
Le décret concerne tous les opérateurs du marché des télécommunications sénégalais, notamment Sonatel (sous le nom commercial Orange), Sentel (Tigo), Sudatel (Expresso) et le nouvel arrivant, Globacom, une société nigériane qui a obtenu sa licence en juin 2010. C’est cependant Sonatel qui s’est opposé à la taxe avec le plus d’ardeur, en organisant plusieurs sièges et manifestations fin 2011. Le groupe aurait décidé de faire appel du décret ; cependant, d’après le gouvernement, il est improbable que la taxe soit annulée.
En vertu du décret, l’Agence de régulation des télécommunications (ARTP) est également chargée d’améliorer le recueil de données sur le volume de trafic, afin de lutter plus efficacement contre la fraude. Le secteur est en effet miné par des pratiques frauduleuses, notamment la réception d’appels par des opérateurs sans licence, et la dissimulation des appels internationaux en appels nationaux pour éviter les frais.
Les représentants de l’ARTP ont déclaré à la presse nationale que le volume d’appels frauduleux était en progression au Sénégal, en raison de ressources et d’équipements insuffisants pour contrôler les communications de façon efficace. En 2011, Tigo a été victime d’une fraude aux appels internationaux, qui étaient masqués en appels nationaux. Les dirigeants de Sentel ont indiqué à la presse nationale avoir perdu environ 300 millions de francs CFA (457 347 d’euros) par mois entre mai et août.
Les nouvelles réglementations sont les derniers changements intervenus sur l’un des marchés de la téléphonie mobile les plus avancés d’Afrique de l’Ouest, qui a connu une croissance prometteuse en 2011. Le nombre total d’abonnés aux services mobiles a progressé, passant de 6.9 millions en 2009 à 8.34 millions fin 2010, soit un taux de pénétration de 68.5 %. D’après les données de l’ARTP communiquées à la presse, 515 967 nouvelles souscriptions à Internet ont été enregistrées au quatrième trimestre 2011.
Orange Sénégal (Sonatel) a recensé 390 000 nouveaux abonnés au quatrième trimestre ; avec un total de 5.09 millions d’abonnés, la société détient 61 % de parts de marché. Le second opérateur du pays, Tigo, détient 28.2 % des parts de marché, mais a vu son nombre d’abonnés reculer légèrement de 2.42 millions à 2.36 millions en 2011. Quant à Sudatel (Expresso), le troisième fournisseur du Sénégal avec 10.8 % des parts marché, il a vu son nombre d’abonnés augmenter pour atteindre 898 113. .
Le secteur a également développé son offre de services, ce qui a permis aux opérateurs de trouver de nouvelles sources de revenus issues de nouveaux modes d’utilisation, tels que les services bancaires mobiles et les connexions 3G. Cependant, dans la mesure où les services téléphoniques représentent toujours une part importante des revenus des opérateurs de téléphonie mobile, la nouvelle taxation entraînera incontestablement des complications pour les fournisseurs de services mobiles sénégalais.
Source: Oxford Business