Terrain de jeu des opérateurs historiques européens en quête de relais de croissance, à l’image du Brésil pour Vivendi (GVT), les pays émergents ne semblent plus vouloir se cantonner au rôle de cible. Un mouvement de concentration se dessine dans les télécoms en Europe et ce sont des acteurs latino-américain et asiatique, regorgeant de cash, qui sont à la manœuvre. Le milliardaire mexicain Carlos Slim, l’homme le plus riche du monde selon le classement Forbes, devant Bill Gates, vient de proposer de débourser 3,2 milliards d’euros pour monter de 4,8% à 28% au capital de KPN, l’opérateur historique néerlandais. Un autre milliardaire, le hong-kongais Li Ka -shing convoite Eircom, l’ex-monopole irlandais qui vient de se placer sous la protection de la loi des faillites, qu’il veut racheter pour 2 milliards d’euros en cash.
La vieille Europe pas si condamnée au déclin
La vieille Europe et ses marchés matures, condamnés à la déflation et aux baisses de prix imposés par une Commission européenne trop « consumériste » aux yeux des opérateurs, offrirait-elle finalement des opportunités sous-estimées ? Li Ka-shing n’est pas un nouveau venu en Europe. Son groupe Hutchison Whampoa est présent dans le mobile sous sa marque « 3 » au Royaume-Uni, en Italie, en Autriche, où il vient de racheter la filiale d’Orange pour 1,3 milliard d’euros, dans les pays nordiques et en Irlande : il pourrait ainsi consolider ses positions avec Eircom, numéro un du pays dans le fixe et numéro trois du mobile sous sa marque Meteor, devant « 3. » Hutchison devrait revoir son offre qui été refusée car elle était assortie d’un nombre important de conditions.
Telefonica, le rival de Slim en ligne de mire
En revanche, Carlos Slim n’est pas implanté en Europe. Il vient défier sur ses terres historiques le rival le plus féroce de son empire America Movil en Amérique latine (225 millions de clients), l’espagnol Telefonica. Il avait déjà essayé en 2007 d’entrer au capital de Telecom Italia, qui avait préféré passer sous la coupe de Telefonica. En s’en prenant à KPN, le richissime septuagénaire, qui doit sa fortune, estimée à 69 milliards de dollars, au monopole des télécoms mexicain Telmex, s’attaque à un petit acteur (son chiffre d’affaires de 13 milliards d’euros est plus de trois fois inférieur à celui de France Télécom), affaibli, qui souffre du déclin de ses recettes et de ses marges, mais qui pourra cependant lui offrir une tête de pont sur plusieurs marchés clés en Europe, en particulier l’Allemagne : la filiale de KPN E-Plus est le numéro trois du mobile, derrière T-Mobile et Vodafone, juste devant O2 de Telefonica. Le patron de KPN avait lui-même déclaré en novembre dernier qu’une fusion entre E-Plus et O2 en Allemagne aurait du sens. KPN est aussi présent en Espagne, avec son opérateur mobile virtuel Simyo (400.000 clients).
Une offre inamicale et sous-valorisant KPN
Mais KPN, dont l’Etat néerlandais a vendu ses dernières parts en 2006, n’entend pas se laisser faire. Le conseil d’administration a estimé que l’offre de Slim est inamicale et sous-valorise la société (qui cote toutefois 7,6 euros mercredi matin). Il a mandaté Goldman Sachs et JP Morgan pour étudier ses différentes options stratégiques, selon la formule consacrée. L’arrivée du magnat mexicain va-t-elle faire bouger les grands historiques, en particulier Telefonica ? La consolidation devrait en tout cas s’accélérer, d’autant que KPN envisageait également de céder sa filiale belge BASE.
Source: latribune.fr