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orange_zain_afrique_nigerDepuis la semaine dernière, Orange Niger, filiale du Groupe France Télécom, et, Celtel Niger S.A, opérant sous la marque Zain, ont inondé les médias, avec des communiqués de presse qui en disent long sur les rapports conflictuels qu’ils entretiennent depuis quelques mois. Visiblement cette guerre des grands de la téléphonie mobile trouve son origine dans la concurrence et la conquête du marché qui reste encore largement ouvert.
L’embrouille entre les deux opérateurs a commencé lorsque la semaine dernière, la Direction d’Orange Niger, à travers un communiqué de presse, a signalé que des perturbations intervenues depuis le vendredi 9 Octobre 2009 sur son réseau, résultent «d’une action de ZAIN qui de façon unilatérale et illégale a interrompu la quasi-totalité des liaisons» entre les deux réseaux. Comme on pouvait s’y attendre, aussitôt après la diffusion de ce message, l’opérateur de téléphonie mobile Zain va, dans un contre communiqué, tenter d’apporter des précisions afin, dit-il, d’éclairer sa clientèle, sur le mobile de cette affaire. «Depuis le mois de Juillet 2009, nous avons constaté que l’opérateur Orange envoie sur le réseau de Zain, des appels internationaux, en masquant les numéros d’origine», rapporte le communiqué de presse de Zain Niger. Pour cet opérateur, «De tels actes », sont posés par Orange Niger, «au mépris de la réglementation en matière de télécommunications et des accords d’interconnexion» qui les lient, ce qui selon Zain s’apparente à de la fraude. Celtel Niger S.A, dit avoir saisi le régulateur, en l’occurrence l’Agence de Régulation Multisectorielle (ARM), depuis le 14 juillet 2009, «pour réclamer une parfaite transparence dans l’écoulement du trafic d’interconnexion».
Zain Niger accuse Orange d’avoir minoré «les droits d’interconnexion» à lui verser et d’avoir entraîné «la congestion de l’interconnexion et la dégradation subséquente de la qualité de son service». Voilà en substance, les contenus de deux communiqués. Comment en est-on arrivé à un tel désaccord entre l’opérateur dominant qu’est Zain et Orange Niger? Si l’on en croit certaines sources bien informées, la guéguerre entre les deux opérateurs ne date pas d’aujourd’hui. Il se raconte que déjà qu’en juin 2008, des petits problèmes ont été signalés entre Zain et Orange, d’abord c’était au moment de l’interconnexion entre les deux réseaux, et, ensuite en matière de partage d’infrastructures de télécommunications consacrés par une loi, qui oblige l’opérateur dominant à permettre au nouvel opérateur d’utiliser ses infrastructures, moyennant rémunération, afin d’étendre ses activités de téléphonie mobile.
Il est à rappeler que comme partout ailleurs dans le monde, au Niger il existe tout un arsenal des textes juridiques qui réglementent les activités de télécommunications en général, et l’interconnexion en particulier. En outre, tous les différents opérateurs sont liés entre eux par des conventions qui portent sur l’interconnexion et sur le partage des infrastructures. En effet, sur le premier point, qui est le noeud du problème entre les deux opérateurs, à savoir le trafic des appels internationaux d’Orange à Zain, des spécialistes en télécommunications expliquent que le captage des appels venant de l’étranger par un autre opérateur qui les envoie par la suite vers un autre, n’est pas une pratique courante mais réglementée. Les spécialistes soulignent que n’importe quel opérateur peut avoir des liaisons avec d’autres opérateurs étrangers, ces relations lui permettent de collecter des appels internationaux qu’il fera trafiquer par un autre réseau en concédant à l’opérateur du réseau transporteur du trafic, une somme d’argent par minute, représentant le tarif du trafic.
Il faut noter que le trafic des appels internationaux fait de nos jours gagner énormément d’argent aux secteurs de télécommunications, particulièrement ceux de téléphonie mobile. Sous d’autres cieux, on apprend qu’il existe même une bourse de trafic à l’international bien réglementée et, qui fait engranger des plus values importantes aux opérateurs comme aux simples hommes d’affaires. Au Niger, le tarif du trafic est fixé à 40 FCFA par minute quelque soit la provenance de l’appel. Dans le cadre de cet échange de trafic, chaque opérateur traite le volume des données qu’il a collectées durant le mois, de concert avec l’opérateur partenaire. C’est seulement après que les deux opérateurs soient tombés d’accord sur les calculs globaux que les factures peuvent être éditées et envoyées le 15 de chaque mois. Rappelons qu’il y a quelques années, seul l’opérateur historique, la Sonitel, détenait le monopole de captage des appels venant de l’étranger.
Ce monopole a été libéralisé en 2004 au grand bonheur de Zain, Moov et Sahel Com. Orange Niger s’est lancé depuis janvier 2009, sur ce business de trafic à l’international, en captant essentiellement des trafics venant d’autres filiales d’Orange, pour les envoyer par la suite vers le réseau Zain. Assimilant cette pratique à une forme de fraude déguisée, Zain Niger ne va pas tarder à réagir, il décida de couper à chaque fois tous les appels internationaux que Orange envoie sur son réseau. Une telle réaction de Zain ne pourrait pas manquer d’avoir des conséquences sur tous les roaming qui passent sur Orange, explique un autre technicien de télécom. Orange Niger qui s’estime être dans ses droits, étant donné que l’envoi des appels internationaux d’un réseau via un autre n’est pas prohibé par la loi, va à son tour contourner les différents obstacles posés par Zain Niger, en convertis- sant les numéros venant de l’étranger en numéros locaux.
D’un côté comme de l’autre, on rivalise des techniques en tout genre pour contourner les manoeuvres. Aussi, en réaction à Orange, Zain Niger a choisi de couper complètement 18 liaisons sur les 22 qui lient les deux réseaux. Pendant ce temps, on ne peut plus parler d’interconnexion. Il faut dire que la gestion du secteur de téléphonie mobile cause beaucoup de peines aux autorités nigériennes, particulièrement à l’Autorité de Régulation Multisectorielle. Si l’ARM jouait pleinement son véritable rôle de régulateur, ces compagnies de téléphonie n’allaient pas se conduire en «Etat » dans un Etat, en ne respectant pas scrupuleusement les textes en vigueur et conventions auxquels ils avaient souscrit. L’on sait que, par le passé des opérateurs ont manqué à leurs obligations. Ces manquements portent sur l’absence d’une comptabilité analytique, des irrégularités dans le versement des taxes à l’Etat, la mauvaise qualité de réseau, etc.
A cet effet, des dizaines de mises en demeure leur ont été individuellement partagées, mais à ce jour les mêmes dérèglements persistent sous le regard impuissant des autorités nigériennes. Devant des telles situations très lourdes de conséquences pour le développement des activités de télécommunications, il appartient désormais à l’Autorité de Régulation Multisectorielle, de prendre toutes ses responsabilités pour imposer à tous les opérateurs le respect des engagements et la promotion de la discipline et des valeurs morales dans la concurrence. Il faut aussi dire que l’ARM qui a été saisie très tôt, et à deux reprises par zain, de ce contentieux n’a pas vite réagi et a laissé pourrir les choses, pendant que les consommateurs font les frais de la guerre des géants de la téléphonie mobile nigérienne.
Lamine SOULEYMANE (Roue de l’Histoire n° 478 du 21 Octobre 2009)

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